Mayotte veut l’égalité des droits

Manifestation à Mayotte, le 3 octobre 2015 © DR

Manifestation à Mayotte, le 3 octobre 2015 © DR

Mercredi 30 mars, Mayotte entame une nouvelle grève générale. Cinq ans après la départementalisation, la situation sociale y est préoccupante. Rencontre avec Salim Nahouda, secrétaire de la CMCAS et président de la caisse de sécurité sociale de l’île.

Salim Nahouda, secrétaire de la CMCAS de Mayotte et président de la caisse de sécurité sociale de l'île © DR

Salim Nahouda, secrétaire de la CMCAS de Mayotte et président de la caisse de sécurité sociale de l’île © DR

Pourquoi avoir choisi la date du 30 mars pour lancer ce mouvement de grève ?

Il y a évidemment un lien avec la grève nationale du 31 mars contre le projet de loi Travail. A Mayotte, seulement 20 % du code du travail national est appliqué. Nous voulons, dans un premier temps, que le code existant soit mis en oeuvre. Mais nous combattons également les évolutions néfastes proposées dans le projet de loi, concernant la jeunesse et le dialogue social. 

 

Quelles sont les revendications des syndicats ?

C’est une journée de grève et de mobilisation concernant les agents du public et du privé. Les agents du service public revendiquent depuis un certain nombre d’années la prise en compte de l’ensemble des années de service effectuées dans l’ancien statut (avant la départementalisation). Il y a aussi la question de l’indexation des salaires : dans le département voisin, à La Réunion, les fonctionnaires bénéficient d’une majoration salariale de 53% du fait de la vie chère et de l’éloignement. A Mayotte, une majoration de 40% a été décidée à partir de 2017, mais les fonctionnaires mahorais revendiquent 53% comme à La Réunion.

Et dans le secteur privé ?

Il y a la question des conventions collectives. Tant que le code du travail ne sera pas effectif sur l’ensemble du territoire français, nous ne pourrons pas appliquer les conventions collectives.

Il a fallu un long combat pour que le statut des IEG soit adopté à Mayotte…

Oui, 12 ans. Les conflits ont commencé en 1999 et nous n’avons obtenu le statut que le 1er janvier 2011, trois mois avant l’accession de Mayotte au statut de département d’outre-mer.

Y aura-t-il des électriciens d’Electricité de Mayotte dans la rue ce 30 mars ?

Oui, car un certain nombre de PERS du statut ne sont pas appliquées chez nous.

Mayotte a connu de nombreux conflits ces dernières années. Sur quoi portaient-ils ?

En novembre 2011, quelques mois après la départementalisation, nous avons eu un gros conflit qui a duré 44 jours (comme en Guadeloupe en 2009). Les revendications portaient sur la vie chère et sur l’égalité de traitement avec la métropole et avec les autres départements d’outre mer.

Selon un rapport de la Cour des comptes paru le 13 janvier dernier, l’effort budgétaire de la France par habitant en faveur de Mayotte serait bien inférieur à celui des autres DOM.

Effectivement. Il faut parler de la fiscalité locale, en particulier de la taxe foncière et de la taxe d’habitation. Certains doivent payer entre 1800 et plus de 2000 euros alors qu’ils ne payaient que 90 à 120 euros auparavant. La France ne reconnaît pas la situation particulière de Mayotte. Un riche ne se définit pas de la même manière en métropole qu’à Mayotte. Celui qui possède un terrain et une maison en métropole est considéré comme riche. Alors que chez nous, on a l’habitude de transmettre nos terres de père (ou mère) en fils sans que ce soit un signe de richesse. Les gens aujourd’hui sont taxés alors qu’ils n’ont pas de travail, pas de revenus.

L’Etat et le département n’ont pas su anticiper la départementalisation de Mayotte, affirme la Cour des Comptes. Selon elle, « il y a des besoins urgents, en matière de logements, d’assainissements, de scolarisation. » Comment décririez-vous la situation sociale actuelle ?

Elle est très tendue. La transition n’a effectivement pas été préparée. Nous avions une période de transition de 10 ans. J’aurais souhaité qu’elle soit mise au profit de la formation des jeunes et des cadres locaux prêts à assumer des postes dans les services publics ou le secteur privé. Au lieu de ça, on a des cadres qui viennent de l’Hexagone et qui sont de passage pour une durée maximum de quatre ans.

Qu’en est-il de l’accès aux services publics ?

C’est un gros problème. Nous devons faire face à un afflux massif de migrants (majoritairement comoréens) dans tous les services publics. Ils sont à la recherche de documents pour justifier leur présence sur le territoire. Résultat : il est impossible d’être reçu à la préfecture pour des questions d’état civil : l’immigration est prioritaire. Même problème au service des impôts.

Et dans le secteur de la santé ?

Les hôpitaux sont submergés et ne traitent que les urgences. Les assurés sociaux sont obligés d’aller se faire soigner chez des médecins privés. La qualité de soins se dégrade de plus en plus. Il y a un vrai problème de santé publique à Mayotte.

Il y a également beaucoup de violence et de délinquance…

Certains estiment entre 3000 et 5000 le nombre d’enfants abandonnés ou isolés. En réalité, ils sont plus nombreux que ça et vivent dans la rue. Tous les jours ou presque, dans la presse locale, on trouve des articles sur la délinquance (violence physique, vols, etc.).

En matière de droits sociaux, que reste-il à conquérir ?

Nous avons un nombre considérable de chômeurs. Seulement 30000 personnes ont un emploi sur une population totale d’environ 250000 personnes. Il y a beaucoup de textes régissant les droits sociaux qui ne sont pas étendus à Mayotte. Exemple : la formation professionnelle tout au long de la vie. Chez nous, personne ne peut bénéficier d’un DIF ou d’un CIF. Quand il s’agit de taxes à payer, Mayotte s’aligne immédiatement. Mais notre RSA (50% du RSA métropolitain), lui, n’est pas aligné sur le droit national. Idem pour les allocations familiales. Il y a de gros décalages entre nos droits et nos devoirs.

En septembre dernier, vous appeliez à une révolution sociale. Que faut-il changer ?

On a eu une grève l’an dernier qui a été suspendue après le 13 novembre du fait des attentats à Paris. Notre mot d’ordre était « égalité et justice sociale. » Nous reprendrons le même slogan le 30 mars car nos revendications n’ont pas changé. Nous voulons que les Mahorais soient traités sur un même pied d’égalité que l’ensemble des Français.

Y a-t-il beaucoup de Mahorais favorables à un retour à l’indépendance ?

Non. Ce qu’ils réclament c’est l’application intégrale des mesures en vigueur dans les autres départements.

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