Réforme des retraites : les femmes en lutte témoignent

Illustration de la Journée internationale des droits des femmes par Camille Besse, 8 mars 2023

©Camille Besse/CCAS

En grève et en manifestation le 7 mars, veille de la Journée internationale des droits des femmes, des agentes des Industries électriques et gazières (IEG) nous expliquent pourquoi elles luttent contre la réforme des retraites.

Propos recueillis par Samy Archimède, Thierry Marck, Tiffany Princep et Monique Castro.


Réforme des retraites : les femmes en lutte témoignent | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Sandra« Cette réforme est très injuste vu les inégalités salariales qui perdurent. »
Sandra Brière, 48 ans, représentante syndicale CGT, EDF Nantes (Loire-Atlantique), collège cadre

« Cette réforme est très injuste. En particulier pour les femmes, vu les inégalités salariales qui perdurent, y compris dans les IEG malgré les efforts faits pour les réduire. Rebattre les cartes sur les retraites alors qu’on a été embauchées avec un contrat social, notre statut, on ne peut pas l’accepter. Au-delà des IEG, je pense aussi beaucoup, par solidarité, aux femmes caissières, infirmières, à celles qui travaillent dans le nettoyage, aux aides-soignantes qui aident nos aînés. À toutes celles qui travaillent à temps partiel dans des emplois pénibles.

Leur demander de travailler jusqu’à 64 ans, c’est les obliger à avoir une décote. En fait, ils veulent nous emmener vers un système par capitalisation. Mais comment capitaliser quand on gagne 1 500 euros et que le coût de la vie augmente aussi vite ? Il existe d’autres moyens de financer nos retraites : en appliquant d’abord l’égalité salariale et en arrêtant de donner autant d’argent public aux entreprises. »

 

Réforme des retraites : les femmes en lutte témoignent | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Natacha« Je sais ce que ce représente ce plafond de verre. »
Natacha Gautreau, 43 ans, administratrice CFDT à la Cnieg (caisse de retraite des IEG), Nantes (Loire-Atlantique), collège maîtrise

« Ce projet de réforme est injuste parce qu’il est focalisé sur l’âge de départ. Concernant les femmes, si on se mettait vraiment autour de la table, il faudrait commencer par parler de la rémunération : clairement, aujourd’hui, à poste équivalent, il y a encore des écarts. Ce n’est pas normal. Même si dans les IEG, il y a une vraie politique d’égalité hommes-femmes qui a été engagée. Aujourd’hui, je suis là pour défendre notre régime de retraite et, plus largement, notre modèle social.

Quand j’ai intégré les IEG, j’ai vu des salariés sereins face aux accidents de la vie, avec une caisse de retraite qui gérait aussi les risques liés aux décès, à l’invalidité, aux accidents du travail et aux maladies professionnelles. Mais je ne suis pas là que pour les IEG. J’ai aussi travaillé dans le privé où on m’a fait des remarques du type ‘tu as eu ton congé maternité, eh bien cette année tu n’auras pas de revalorisation de salaire’. Je sais ce que ce représente ce plafond de verre qui fait qu’on ne rattrape jamais notre retard de salaire. »

 

Réforme des retraites : les femmes en lutte témoignent | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Patricia« Ce projet touche même les personnes nées à partir de 1961, c’est un scandale ! »
Patricia Cadot, 59 ans, membre de la CFE-CGC de GRT Gaz, Nantes (Loire-Atlantique)

« Je suis ici pour que les femmes puissent avoir des retraites décentes. Celles qui n’ont pas de carrière complète vont être obligé de travailler encore plus et elles vont avoir des petites retraites. Aujourd’hui, beaucoup de femmes vivent seules. Comment vont-elles payer les factures ? Moi, j’ai la chance d’avoir une carrière complète car je ne me suis pas arrêtée pour élever mes deux enfants. Ce n’est pas le cas de toutes les femmes, loin de là.

Ce projet de réforme va même jusqu’à toucher les personnes nées à partir de 1961, c’est un scandale ! Je pense aussi à l’avenir de mes enfants. On a un modèle social en France et une classe moyenne qu’il faut conserver. Les riches gagnent de plus en plus d’argent et n’auront pas assez d’une vie pour tout dépenser. Il faut partager les richesses pour continuer à vivre ensemble, même si on n’a pas le même niveau de vie. »

 

Réforme des retraites : les femmes en lutte témoignent | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Marie Luce« Pourquoi ne pas augmenter tout de suite les salaires des métiers dits ‘féminins' » ?
Marie-Luce Massat, 57 ans, contrôleuse de gestion à Toulouse (Haute-Garonne), déléguée syndicale CFDT Enedis UMS

« Je suis contre cette réforme injuste qui va nous obliger à travailler jusqu’à 64 ans. Je trouve que 62 ans, c’est déjà beaucoup, je ne me vois ni opérationnelle, ni en forme à 64 ans. De plus, cette réforme est inéquitable car elle fait porter sur les seuls salariés l’effort de financement des retraites. Les femmes vont être les grandes perdantes, car le recul de l’âge de départ à la retraite annule de fait le bénéfice des trimestres maternité. Élisabeth Borne dit que le problème n’est pas la retraite, mais la carrière. Alors pourquoi ne pas commencer par augmenter tout de suite les salaires des métiers dits « féminins » ?

Je voudrais aussi rappeler que Macron assure qu’il a été élu pour mettre en œuvre cette réforme. Non ! Il a été élu parce que Marine le Pen était en face ! Je crois que les choses peuvent encore bouger si on est nombreux à manifester. J’espère que le Parlement va entendre la rue, si Macron, lui, ne l’entend pas. Nous ne sommes pas encore en monarchie ! »

Réforme des retraites : les femmes en lutte témoignent | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Josiane« Je n’ai jamais vu autant d’embûches contre le monde du travail »
Josiane Galino, 71 ans, retraitée de RTE, Toulouse (Haute-Garonne), représentante CGT

« Je suis à la retraite depuis 14 ans : on pourrait penser que je ne suis pas concernée. Je me bats pour la retraite, mais aussi pour tout le reste, comme le pouvoir d’achat et les conditions de travail. Je n’ai jamais vu autant d’embûches contre le monde du travail : quand tu milites, très vite, tu deviens hors la loi ! Les CHSCT ont disparu et la médecine du travail est moribonde.

Nous avons encore les activités sociales, mais jusqu’à quand ? Il faut s’accrocher. Le 8 mars, il y a eu une grève féministe. À ce propos, je ne dirais pas ‘les droits des femmes’, mais les droits à la maternité, à l’avortement, à de meilleurs salaires… Il n’y a pas une lutte pour les femmes et une lutte pour les hommes, il y a la lutte ! Et on est condamné à réussir : sinon qu’est-ce qu’on fait là ? »

Réforme des retraites : les femmes en lutte témoignent | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Binta« Je suis prête à poursuivre le mouvement jusqu’au bout. »
Binta, 27 ans, agente Enedis à Puteaux (Hauts-de-Seine)

« Sur le principe, malgré mon âge, la retraite n’est pas tant éloignée que ça, parce que je cotise déjà tous les mois pour mes collègues retraités. C’est aussi pour eux que je suis là. À travers mon statut, c’est une certaine conception du service public auquel je suis attachée.

Les Industries électriques et gazières sont un exemple pour le monde entier. Donc pas question d’abandonner le bateau ! C’est un pilier national, et je me demande si les politiques se rendent bien compte de ce qu’ils sont en train de démolir. Je suis prête à poursuivre le mouvement jusqu’au bout. À la fois pour nos acquis, et le modèle social et industriel du service public que l’on incarne. Tout est lié, en fait ! »

 

Réforme des retraites : les femmes en lutte témoignent | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Elodie 1« Avec les réformes, on est un peu paumé, et ça fait peur, car tout a changé ! »
Élodie Dechery, 33 ans, appui métier en ingénierie à Enedis Massy (Essonne)

« Ce n’est pas la première fois qu’on se bat pour notre régime de retraite. C’est l’un des avantages de notre entreprise, avec le métier en lui-même, les Activités Sociales et le tarif de l’énergie. Ça a clairement compté pour moi lors de ma reconversion professionnelle : j’étais coiffeuse, et on m’a proposé ce ‘métier d’homme’ en me vendant ce rêve. Avec deux ans d’exploitation, je peux partir un peu plus tôt. Mais avec les réformes, on est un peu paumé, et ça fait peur, car tout a changé !

Pour les femmes, outre la maternité et les carrières hachées, les menstruations voire l’endométriose ne sont pas pris en compte, tout comme le côté ‘santé’ en général. Or on devrait préserver notre système de santé et de retraite, c’est le modèle français qu’on nous envie ailleurs. Mais ce qui intéresse les patrons, c’est qu’on soit utile ; la retraite, c’est quand on ne l’est plus. Sauf qu’on a le droit de profiter de sa retraite en pleine santé. »

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