Le 8 mars marque la Journée internationale des droits des femmes. Un temps pour fêter les victoires, à l’image des avancées scientifiques qui améliorent la santé des femmes. Mais cette date existe aussi et surtout pour faire entendre des revendications, car leur quotidien reste marqué par les préjugés et les discriminations, partout dans le monde. Retour sur des fausses croyances autour de la féminité, leur histoire et leur évolution.
1- Le sang des règles, un vrai poison
La moitié de l’humanité a ses règles, mais elles restent un tabou, accompagné d’obscures croyances. Les femmes réglées ont toujours été mises à l’écart de la société. Pline l’Ancien (né en 23 après JC), écrivain romain, explique qu’on ne « trouvera rien qui soit aussi malfaisant que le sang menstruel ». Une femme qui a ses règles aigrit le vin, frappe de stérilité les céréales et brûle les fruits de l’arbre. Ces idées se teintent de pseudo-notions scientifiques au 20e siècle. Ainsi en 1920 le docteur hongrois B.Schick croit découvrir les « ménotoxines » produites par les femmes réglées, des sécrétions faisant pourrir les végétaux.
Et en 2025 ? L’idée que les règles sont sales perdure sous d’autres formes partout dans le monde, associée à des interdictions, de la honte et une stigmatisation. Il n’est pas rare d’entendre qu’une femme indisposée fait tourner la mayonnaise, ou bien, au Japon, abîme le poisson. La communauté internationale se mobilise, le 28 mai, pour la journée mondiale de l’hygiène menstruelles et lutter contre la précarité menstruelle en rendant accessibles des protections et des installations sanitaires.
En savoir plus et s’engager :
Écouter l’émission La science, CQFD sur les menstruations
Lutter contre la précarité menstruelle avec l’association Règles élémentaires
2 – Lire peut rendre stérile
Au 18e siècle, en Europe, les femmes sont souvent cantonnées aux tâches domestiques et à la maternité. La pensée scientifique et les discours médicaux se penchent alors sur leur nature supposée. Des figures intellectuelles et médicales cherchent à maintenir les inégalités de genre sous couvert de justifications biologiques. L’éducation des femmes est ainsi associée à un affaiblissement de leur corps et de leur santé reproductive. Le docteur E.Clarke, professeur à Harvard, soutient, en 1873, que le sang s’échappe de l’utérus vers le cerveau lorsque les femmes lisent. L’esprit s’épanouit… et ses organes reproducteurs s’atrophient. Il l’écrivait, « L’éducation identique des deux sexes est un crime envers Dieu et l’humanité, contre lequel proteste la physiologie et que l’expérience fait déplorer. »
Aujourd’hui, l’éducation est un droit fondamental pour les filles et les garçons, inscrit dans la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989. Par rapport à 2015, 5 millions de filles de plus ont terminé, dans le monde, chaque niveau d’enseignement de la primaire au deuxième cycle du secondaire. Mais 122 millions restent non scolarisées, avec des inégalités criantes, comme en Afghanistan, où 60 % des filles ne sont pas inscrites en primaire (46 % des garçons).
3 – La grossesse et les rayures, attention danger !
Certaines cultures associaient grossesse et malheur, pour peu que la femme enceinte enfreigne certains codes. Parmi eux, le port de certains vêtements avec des rayures horizontales : perçues comme perturbant l’harmonie de la grossesse, ils pouvaient rendre malades les enfants à naitre. Des bijoux étaient également proscrits, comme ceux en forme de serpent, susceptibles d’attirer des mauvaises énergies. Mais ces superstitions, sous couvert de protéger la femme et l’enfant à venir, entouraient la grossesse de peurs irrationnelles et pesaient sur le quotidien des futures mères. Aujourd’hui, en Europe, ces superstitions ont souvent disparu, et la mode y est plus une question de style et de confort. Mais les femmes enceintes voient leurs droits menacés. La grossesse constitue par exemple le troisième motif de discrimination cité par les femmes au travail, en France, en 2020.
Pour s’informer et trouver des outils juridiques :
Un guide à destination des acteurs du monde du travail.
4 – Fille ou garçon, la mère décide
Durant l’Antiquité le sexe du bébé était imaginé comme lié aux actions ou pensées de la mère pendant la conception. Au Moyen Âge, en Europe, cette croyance perdure : la femme qui respecte les normes sociales est « récompensée » avec un garçon. Dans les sociétés aristocratiques ou royales, l’héritage se transmet par les garçons, et les futures mères subissent une pression immense. Ainsi Anne de Grande-Bretagne (1665-1714) a vécu dix-sept grossesses, avec douze fausses couches ou naissances d’enfants mort-nés. Mais c’est sa prétendue incapacité à donner un héritier qui agitait ses contemporains, et non sa souffrance intime.
Aujourd’hui on le sait, le sexe génétique du bébé est déterminé dès la fécondation de l’ovule par le spermatozoïde, à l’origine du sexe de l’enfant. Des légendes urbaines cocasses subsistent, comme le choix de la nourriture ou des positions sexuelles pour favoriser l’un ou l’autre sexe. Plus dramatique, un rejet du féminin persiste dans le monde, avec par exemple la banalisation des avortements de fœtus féminins. En Inde, malgré les tentatives pour enrayer le phénomène, il manquait, en 2018, 63 millions de femmes. En Arménie, 93 000 filles manqueront d’ici à 2060. Et le choix du sexe du bébé permis par certains pays (États-Unis, Chypre, Grèce) connaît des dérives inquiétantes.
En savoir plus sur la persistance des inégalités en France :
« Le château de mes sœurs », de Blanche Leridon, ed. Les Pérégrines, 2022.
« Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités », de Céline Bessière, Sibylle Gollac ed. La découverte, 2022. Et à écouter en podcast.
Comprendre les débats autour des notions de sexe et de genre :
« Sexe & genre. De la biologie à la sociologie », dir. de Bérengère Abou et Hugues Berry, sur cairn.info
5 – En mer, pas de femme à bord
Les marins ont longtemps interdit les femmes à bord. Des mois en mer, dans un espace confiné loin des épouses, ils accusaient les femmes de porter malheur et de semer la zizanie dans l’équipage. La superstition a tenu bon jusqu’au 18e siècle. Peu à peu, certaines femmes ont réussi à devenir capitaines de navire ou pirates, mais sans trop de publicité. Jeanne Barret, première femme à faire le tour du monde en bateau en 1775, a réalisé sa prouesse… travestie en homme. Mais toute règle peut évoluer, et les cinq femmes ayant bouclé le Vendée Globe 2024 le prouvent.
En France le monde du travail est encore imprégné d’inégalités : les hommes sont rémunérés en moyenne 24,4 % de plus que les femmes. Ces dernières sont majoritaires dans les contrats les plus précaires (plus d’1 femme sur 4 occupe un emploi à temps partiel, contre moins d’1 homme sur 10) et sont surreprésentées dans le secteur du soin, des métiers mal payés et souvent pénibles.
Pour aller plus loin :
Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail