« Que dire ? Ils étouffent » : à Paris, une conférence sur le droit au retour des Palestiniens

"Que dire ? Ils étouffent" : à Paris, une conférence sur le droit au retour des Palestiniens | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Delegation palestinienne AJPF

Le 17 mai, près de 300 personnes étaient réunies au Théâtre Traversière (Paris) pour échanger avec des réfugiés palestiniens, des membres d’associations, des maires, des chercheurs et des représentants d’ONG. ©Guillaume Montaudouin/CCAS

L’Association pour le jumelage entre les camps de réfugiés palestiniens et les villes françaises (AJPF), dont les Activités Sociales sont partenaires, organisait le 17 mai sa troisième conférence internationale sur le droit au retour des Palestiniens, avec la présence, exceptionnelle à bien des égards, de réfugiés venus du Liban, de Jordanie, de Cisjordanie, de Syrie et de Gaza.

La grande salle du théâtre Traversière à Paris est déjà pleine ce samedi à 10 heures quand Hamdan Ballal, le coréalisateur palestinien du film « No Other Land » (Oscar 2025 du meilleur documentaire, projeté cette année à Visions Sociales), arrive sur la scène. Toute l’assistance se lève comme un seul homme pour l’acclamer. « Free, free Masafer Yatta ! », scandent trois femmes. Quiconque a vu le film pense alors au lieu du tournage, ce territoire palestinien au sud de la Cisjordanie occupée, à ses villages et à ses habitants, à leur résistance face aux expulsions menées par l’armée israélienne et les colons.

Mais revenons à Paris : ici, comme dans « No Other Land » (toutes proportions gardées), il est question de dénoncer les horreurs de la guerre et de la colonisation, et d’interpeller la société malgré les obstacles. Le mois dernier, sous l’égide de l’Association pour le jumelage entre les camps de réfugiés palestiniens et les villes françaises (AJPF), partenaire des Activités Sociales, une délégation de 27 élus français devait se rendre en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. À quarante-huit heures du départ, le ministère de l’Intérieur israélien a annulé leurs visas. Tentative d’étouffer les échanges et une expression libre sur la situation sur place ?

En ce 17 mai, les échanges vont bien avoir lieu : Palestiniens, membres d’associations, maires, chercheurs, représentants d’ONG et simples citoyens vont nourrir, au sein du théâtre comme au-dehors, un moment fort de dialogue, de solidarité et d’émotions partagées.

« Tout ce qu’ils arrivent à dire, c’est : on est toujours en vie »

Il y a trois nuits seulement, une série de frappes aériennes de l’armée israélienne a tué des dizaines de civils du camp de Jabaliya, situé au nord de la bande de Gaza. « Que dire, quand on sait que nos parents n’ont plus d’eau à boire ? Ils étouffent. Tout ce qu’ils arrivent à dire, c’est : on est toujours en vie », lâche Rana Qarmout. Cette Palestinienne et sa famille ont pu être évacués de Gaza par la France en novembre 2023, car son mari, Hosam al Aqra, travaille au CNRS. Mais ses proches vivent toujours là-bas.

"Que dire ? Ils étouffent" : à Paris, une conférence sur le droit au retour des Palestiniens | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Rhana Quarmout refugiee palestinienne AJPF

Réfugiée palestinienne, Rhana Quarmout (à droite) et ses enfants ont aussi douloureusement laissé derrière eux une partie de leur famille. ©Guillaume Montaudouin/CCAS

À Gaza, certains se disent morts-vivants. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou décrétait, le 2 mars dernier, un blocus total de toute aide humanitaire à destination de l’enclave palestinienne. L’arme de la faim a fait son œuvre : d’après les chiffres du dernier bilan des experts en sécurité alimentaire des Nations unies, 1,5 million des 2,1 millions d’habitants de Gaza sont aux stades 4 et 5, les stades ultimes, sur l’échelle des crises alimentaires.

« L’armée israélienne détruit délibérément tout ce qui est nécessaire à la vie […]. Soumettre intentionnellement un groupe national à des conditions de vie insoutenables est un acte constitutif du crime de génocide. »

Aymeric Elluin, juriste (Amnesty International France)

Ici, le mot de génocide est prononcé. Répété. Documenté. À la tribune, Aymeric Elluin, chargé de plaidoyer « Armes et peine de mort » au sein d’Amnesty International France, rappelle : « L’armée israélienne détruit délibérément tout ce qui est nécessaire à la vie : terres arables, structures d’adduction d’eau, écoles, hôpitaux. Soumettre intentionnellement un groupe national à des conditions de vie insoutenables est un acte constitutif du crime de génocide. » Le 5 décembre dernier, son ONG publiait un rapport de près de 300 pages intitulé « On a l’impression d’être des sous-humains ». C’est le quatrième rapport produit par une association de défense des droits de l’Homme à conclure à un génocide à Gaza.

« Nous avons besoin de votre soutien moral »

Le dernier échange de la conférence est initié par un groupe de jeunes, la vingtaine tout au plus, venus de Trappes (Yvelines). Leur maire, Ali Rabeh, est présent pour l’ultime table ronde, sur la diplomatie des villes. La veille, ces jeunes ont partagé une soirée « exceptionnelle » en compagnie de la délégation palestinienne pour l’officialisation du jumelage de leur ville avec le camp de réfugiés d’Al Fawwar (situé au sud de la Cisjordanie). Voilà bientôt vingt-quatre heures qu’ils entendent « des témoignages bouleversants ».

Après avoir exprimé gratitude et admiration envers les réfugiés palestiniens, ils leur posent deux questions : « Que peut-on faire pour vous aider ? « et « Pourquoi vous y retournez ? » Nasser Sharay’aa, chef de cabinet des comités populaires des territoires palestiniens occupés, leur livre une réponse limpide : « Car notre cœur est là-bas […]. Parlez partout, partout, partout ! Nous avons besoin de votre soutien moral. »

"Que dire ? Ils étouffent" : à Paris, une conférence sur le droit au retour des Palestiniens | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Hamdan Ballal corealisateur palestinien No Other Land

« C’est formidable de voir qu’ici, et partout dans le monde, de plus en plus de voix s’élèvent pour soutenir les Palestiniens et dénoncer les horreurs commises par le gouvernement israélien à Gaza mais aussi dans les territoires occupés. Le succès de « No Other Land » a permis de faire comprendre à plein de gens que la colonisation en Cisjordanie impose un régime d’apartheid aux Palestiniens. Depuis le début de l’année, plus de 40 000 d’entre eux ont été expulsés de leur lieu d’habitation par l’armée israélienne. »

Hamdan Ballal, coréalisateur du film « No Other Land »

Ali Rabeh poursuit : « Le jumelage ? Bien sûr, il vise une aide matérielle mais aussi des projets sportifs, culturels et d’échanges. Si on peut offrir quelques parenthèses de plaisir à ces familles qui souffrent au quotidien, nous aurons alors agi dans notre rôle d’hommes et de femmes en humanité. Je dis « nous » car ce sont des milliers d’habitants qui peuvent se trouver embarqués à fraterniser avec une population à l’autre bout du monde. »

Charlotte Blandiot-Faride, maire de Mitry-Mory (Seine-et-Marne) et présidente de l’AJPF, a le même point de vue : « Là où la diplomatie des nations n’avance pas, là où l’ONU n’arrive pas à faire appliquer ses résolutions, nous faisons vivre la diplomatie des villes, la diplomatie des peuples, l’amitié humaine. L’essence même de notre travail est de créer des liens, des rencontres. Car c’est en rencontrant l’autre que l’on comprend mieux son histoire — et que l’on peut porter, à notre tour, la mémoire palestinienne et le combat pour la paix avec d’autant plus de force et de justesse. »

À la sortie de la conférence, l’un des jeunes nous l’affirme : « Je repars d’ici avec la volonté d’agir encore plus pour la cause palestinienne. » Dans sa main un document de l’AJPF sur lequel figure en évidence cette citation de Prévert : « Il y a sur cette terre des gens qui s’entretuent […]. Il y a aussi des gens qui s’entrevivent. »

"Que dire ? Ils étouffent" : à Paris, une conférence sur le droit au retour des Palestiniens | Journal des Activités Sociales de l'énergie | Delegation au centre CCAS de Villeneuve Saint Denis

La délégation palestinienne, venue en France pour cinq jours à l’invitation de l’AJPF, a logé au centre vacances CCAS de Villeneuve-Saint-Denis. ©AJPF

Tags:
0 Commentaires

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Votre commentaire est soumis à modération. En savoir plus

Qui sommes-nous ?    I    Nous contacter   I   Mentions Légales    I    Cookies    I    Données personnelles    I    CCAS ©2025

Vous connecter avec vos identifiants

Vous avez oublié vos informations ?