Corne de l’Afrique : « La famine est aussi politique »

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Des enfants du Soudan du Sud viennent chercher leur ration d’eau quotidienne. ©Shutterstock

En février dernier, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, sonnait l’alarme sur « la plus grande crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale ». Vingt millions de personnes risquent de mourir de faim d’ici à l’été, rien que dans la Corne de l’Afrique et au Yémen. Dans l’indifférence de la communauté internationale et de l’opinion.

« La situation est particulièrement difficile, voire historique », commente le docteur Jean-François Corty. Le directeur des opérations internationales de Médecins du monde parle d’un phénomène sans précédent, qui touche quatre foyers géographiques en même temps : la famine sévit au Yémen, au Nigeria, au Soudan du Sud et en Somalie. « Pas trop loin encore, il y a aussi l’Ouganda, l’Ethiopie et le Kenya. » Au total, ce sont 20 millions de personnes qui pourraient mourir dans les prochaines semaines. Sans compter les morts liées aux épidémies.

« Au Yémen, c’est le choléra qui explose », confirme le médecin. Le Yémen, l’un des pays les plus pauvres de la péninsule arabique, vit aujourd’hui une situation jugée comme étant la plus grave au monde. « La dégradation des conditions de l’accès aux soins et un état nutritionnel particulièrement dramatique amènent 17 millions de personnes à être dans un besoin nutritionnel urgent, soit plus de 60 % de la population de ce pays situé au sud de l’Arabie Saoudite. » Médecins du monde y recense « 500 000 enfants malnutris aigus » dont le pronostic vital est en jeu.

Otages des conflits armés

Mauvaise récolte, sécheresse ou inondation aggravées en 2015 par le phénomène El Niño, difficultés économiques… Les facteurs sont multiples mais n’expliquent pas l’ampleur. Les humanitaires soulignent un point commun : les conflits armés. « Avant la guerre, le Yémen importait entre 80 et 90 % de ses besoins », renchérit Jean-François Corty. Aujourd’hui, « il n’y a tout simplement pas de nourriture du fait d’un blocus opéré par la coalition menée par l’Arabie Saoudite » qui soutient les forces gouvernementales contre les rebelles.

La guerre, drame pour les civils et bête noire des ONG. Certaines zones deviennent inaccessibles. Elles sont trop risquées. Le Soudan du Sud, qui « connaît l’un des conflits les plus dramatiques au monde », est redouté par les organisations. En mars dernier, six humanitaires y ont été tués par balles dans une embuscade. « Les populations sont difficiles d’accès et paient un lourd tribut », ajoute Jean-François Corty.

La famine est aussi politique

Parfois, lorsqu’il y a de la nourriture, les populations ne peuvent se l’acheter, comme c’est le cas dans l’Etat de Borno, au nord-est du Nigeria. Les déplacés, qui fuient Boko Haram et les représailles de l’armée, « se retrouvent dans des zones enclavées où le prix de la nourriture est hors de leur portée ». Et lorsqu’elle est acheminée, larguée par voie aérienne jusqu’à eux, ce sont les organisations qui pâtissent de la flambée des prix des transporteurs. « Il faut savoir que plus on attend pour accéder aux populations, plus cela coûte cher », explique Geneviève Wills, la représentante en France et à Monaco du Programme alimentaire mondial.

La famine est aussi politique. C’est ce qui indigne les associations. « Les Nations unies ont lancé un appel aux bailleurs pour réunir 4,4 milliards de dollars afin de répondre à cette situation critique. Aujourd’hui, la moitié n’a pas été reçue. Et même si l’aide financière arrivait, elle ne serait pas suffisante, il faut aussi qu’il y ait la volonté politique de résoudre les conflits. Ce qui faciliterait l’accès aux organisations », analyse Jean-François Corty. En mai dernier, son ONG et une vingtaine d’autres interpellaient le Conseil de sécurité de l’ONU en faveur d’un cessez-le-feu au Yémen. Jean-François Corty rappelle les intérêts de chacun : « L’Arabie Saoudite, qui bombarde les écoles et les lieux de soins au Yémen, est soutenue militairement par la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. »

De l’urgence d’agir dès maintenant

Cette indifférence, beaucoup d’associations la constatent aussi dans l’opinion. Au Secours populaire français, la campagne nationale de dons est « un vrai flop, seulement 20 000 euros ont été collectés », se désole Corinne Makowski. La secrétaire nationale du Secours populaire souligne la non-visibilité de la crise dans les médias. « C’est une crise qui ne se voit pas. Les gens déclenchent les dons lorsqu’ils voient la catastrophe à la télévision. » Autre hypothèse : la lassitude. « Cette crise est gigantesque. Les éventuels donateurs se demandent comment ils peuvent agir. Ils n’en voient pas la fin. »

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