La retraite, parent pauvre de l’Europe

La retraite, parent pauvre de l'Europe | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 89296 Regimes de retraite en Europe

En 2017, la Pologne a décidé d’abaisser l’âge du départ à la retraite à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes, contre 67 ans pour tous auparavant. ©Shutterstock

La mobilisation entamée en décembre 2019 pour la défense du régime des retraites restera comme un moment marquant de l’histoire sociale française. Mais qu’en est-il ailleurs en Europe ? Comment sont organisés les régimes de retraite dans notre vieux continent ?

Trois types de régime coexistent. Le premier, qui raisonne en termes d’annuités, est largement majoritaire. Il concerne seize États membres de l’Union européenne, dont le Royaume-Uni avant le Brexit et la France, du moins jusqu’à la réforme voulue par Édouard Philippe. Le calcul de la pension dépend de trois facteurs : le salaire de référence, la durée de cotisation et le taux d’annuité.

Le deuxième, dit « à points », que le gouvernement d’Édouard Philippe veut imposer en France, est minoritaire. Ce système s’appuie sur les cotisations versées au fil de la carrière, converties en points. Ainsi, le montant de la retraite dépend du nombre de points accumulés, de la valeur qui lui est attribuée, et de l’âge de départ. Il n’existe que dans trois États de l’Union (en Belgique, de puissantes luttes syndicales ont conduit le gouvernement fédéral à remiser en 2018 son projet de retraite à points), dont l’Allemagne pour son régime de base.

Le troisième, dit en « comptes notionnels », concerne cinq États membres, dont l’Italie et la Pologne. Les salariés accumulent un capital virtuel constitué de la somme de leurs cotisations. Lors du départ à la retraite, il leur est reversé suivant un coefficient qui prend en compte leur espérance de vie au moment de leur départ et le taux de revalorisation.

Pension incertaine

Notons que les systèmes de retraites « à points » et en « comptes notionnels » rendent incertaine la pension future. Dans le système par annuités, un salarié en début de carrière sait combien de trimestres lui seront nécessaires pour toucher une retraite à taux plein et calculer quelle pension lui sera versée à son départ à la retraite. Au contraire, les systèmes à points et en comptes notionnels font partie des régimes dits à « cotisations définies » : le salarié connaît le montant de ses cotisations annuelles, mais ne peut véritablement prévoir le montant de sa retraite, puisque la valeur du point, qui dépend de considérations démographiques et économiques impossibles à anticiper, n’est pas garantie.

Quelle sera sa pension de retraite ? Impossible à dire.

Vers un minimum vieillesse en Allemagne

La comparaison européenne permet également d’évaluer les conséquences de différents systèmes de retraite. La Suède a adopté en 1994 un système à points, entré progressivement en vigueur à partir de 2001. Les retraites, jusque-là indexées sur les quinze meilleures années et liquidées après trente ans de cotisations pour une pension à taux plein, sont désormais basées sur des cotisations fixes.

On en voit le résultat. Selon l’OCDE, le taux de remplacement est passé de 60 % du dernier salaire il y a vingt ans, à 53,4 %. Et le taux de pauvreté des plus de 65 ans est, selon Eurostat, de 14,6 % en 2018 contre 8,3 % en France.

De même en Allemagne, l’allongement de la durée de cotisation (pour percevoir une retraite à taux plein, il faut avoir cotisé 45 ans, ce que peu de salariés font) a entraîné une paupérisation des retraités, qui s’élève à 18,7 %, selon Eurostat, avec, de surcroît, les écarts entre les pensions des hommes et celles des femmes les plus élevés des pays de l’OCDE.

Vus d’Allemagne, les retraités français font figure de nantis et le pays réfléchit à l’instauration d’une sorte de minimum vieillesse, tant la paupérisation des retraités, en particulier dans l’ex-Allemagne de l’Est, est choquante dans la première économie européenne. Contrairement à l’argumentaire gouvernemental qui veut que le système à points soit une garantie d’égalité, tous les pays européens connaissent des régimes spéciaux, produits de l’histoire sociale du pays et des luttes qui s’y sont déroulées : mineurs et marins pêcheurs en Espagne, personnel de l’action civile en Belgique, juristes et ingénieurs en Allemagne, etc.

Mais partout est à l’œuvre la même logique libérale visant à renforcer la rentabilité du système de retraite pour transformer en marché ce qui était jusque-là une solidarité organisée. Car toutes les insuffisances des régimes à points ou en comptes notionnels sont utilisées comme arguments pour encourager les salariés à se constituer une épargne, et ainsi à glisser petit à petit d’un régime de retraite par répartition à un régime par capitalisation.


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