« Le Parfum des cendres », ou l’odeur particulière des rencontres

Marie Mangez, autrice du Parfum des cendres, choisi par la CCAS pour sa dotation lecture 2023 et pour animer les Rencontres culturelles estivales.

Marie Mangez, autrice du Parfum des cendres, choisi par la CCAS pour sa dotation lecture 2023 et pour animer les Rencontres culturelles estivales. ©Sandrine Cellard

« Le Parfum des cendres », sorte de huis clos entre deux personnages que tout oppose, est une véritable apologie de la rencontre et de ses vertus. Sur fond de parfum, de secret et de rites funéraires. Ce roman de Marie Mangez a été choisi par la CCAS pour sa dotation lecture 2023.


Le parfum des cendres, de Marie Mangez, éd FinitudeL’histoire

Taciturne, bourru, pratiquement coupé de toute relation sociale dans la vie, Sylvain, embaumeur de métier, ne s’exprime et ne s’épanouit qu’au chevet des morts, en brossant leur portrait à l’aide de leur odeur. Fascinée par cet homme et par son étrange métier, Alice, thésarde en anthropologie et curieuse impénitente, va petit à petit apprivoiser ce personnage mystérieux. Elle va partager avec lui sa passion pour la musique afin de découvrir, au fil de leur relation, un homme qui cache un lourd secret depuis des années.

« Le Parfum des cendres », de Marie Mangez, éditions Finitude, 2021.

À lire en accès libre sur la Médiathèque des Activités Sociales et à commander sur la Librairie des Activités Sociales : 13,88 euros au lieu de 18,50 euros (tarif CCAS, frais de port offerts ou réduits, connexion au site ccas.fr requise).


Marie Mangez : « Les odeurs ont énormément de symboliques dans nos sociétés »

Comme son titre peut l’évoquer, le roman nous plonge dans un univers où les odeurs, la mort sont omniprésentes. D’où vient cette inspiration ?

Marie Mangez – Cette histoire est née pendant le premier confinement, en mars 2020, au cours duquel j’ai perdu l’odorat. Cela a été une expérience vraiment troublante. Et c’est à ce moment-là que je me suis réellement rendu compte de l’importance de ce sens. L’absence d’odorat modifie toute notre perception du monde. J’avais l’impression d’être dans une bulle de verre et de ne pas pouvoir toucher les gens. Et je crois que j’avais finalement besoin de retrouver ce sens à travers l’écriture. De recouvrer les odeurs à travers les mots. Et puis, durant cette période assez baroque, la mort était présente dans nos vies, tous les jours.

Or, personne ne pouvait faire son deuil, car les rituels funéraires étaient suspendus. Cela m’a forcément interpellée car c’est un sujet que j’ai étudié au cours de mon cursus universitaire en anthropologie [Marie Mangez est actuellement doctorante en anthropologie, ndlr]. Je me demandais quel était l’intérêt de ces métiers-là. Ces métiers lourds, comme celui du héros, à savoir celui d’embaumeur. Quelle est leur importance dans notre travail de deuil ? C’est à ce moment-là que le personnage de Sylvain est apparu. Il cristallisait ainsi le parfum, les odeurs, la mort et le deuil.

Dans cette sorte de huis clos entre les deux personnages, le livre explore aussi les relations humaines et la difficulté du langage et de la compréhension entre les êtres…

Alice et Sylvain ont des caractères opposés. Et c’est une relation qui n’est pas forcément définie. J’ai plutôt voulu raconter l’histoire d’une rencontre entre ces deux êtres. À partir du personnage de Sylvain, que j’avais en tête, cet homme enfermé dans son monde, dans sa bulle, qui a besoin de quelqu’un pour le sortir de là.

J’ai l’intime conviction que parfois, lorsqu’on s’isole, seule une tierce personne peut vous être salutaire. Aussi, les rencontres entre les êtres humains sont fondamentales. Souvent, elles nous permettent de sortir de notre zone de confort, à l’instar de ces deux personnages qui peu à peu vont s’apprivoiser et finalement se révéler tous les deux grâce à l’autre.

Pourtant, cette rencontre ne s’inscrit pas dans une relation durable pour Alice. Il y a même un côté éphémère voire fulgurant dans ce tête-à-tête. Faut-il y voir un parallèle avec le côté évanescent d’un parfum ?

Oui, j’avais cette métaphore en tête ! L’idée d’un parfum volatil. De quelque chose qui ne reste pas. Avec ce personnage qui ne s’attache pas. Qui traverse les mondes et qui ne s’arrête pas. Alice est là pour assouvir sa curiosité. Découvrir les démons qui rongent Sylvain et essayer de redonner un sens à sa vie par divers procédés… Est-ce qu’elle le libère ? Aux lecteurs d’en juger. Mais, de mon côté, il faut savoir que dans ce contexte particulier – le confinement –, il y avait aussi un côté frénétique dans mon écriture.

Bragonard, le nom de famille du héros, est clairement un clin d’œil au parfumeur Fragonard et au peintre du même nom. Pourquoi ce choix ?

Dans le livre, Sylvain fait des portraits olfactifs des morts qu’il a en charge. Après, bien sûr, ce sont des parfums symboliques ! Mais il y avait, pour ma part, l’idée de faire des portraits chinois. Quand j’ai commencé à me documenter sur le sujet, je me suis rendu compte que les la symbolique des odeurs est importante dans nos sociétés. Et on leur attribue beaucoup de qualités morales.

Tout cela m’a intéressé, et finalement c’était une façon de creuser ce sillon-là. Et je sais, par exemple, que les grands parfumeurs savent repérer une personne à l’odeur singulière qu’elle dégage. Or, personnellement, lorsque j’ai perdu l’odorat, je ne me sentais plus moi-même. Et j’ai donc l’impression que l’on met alors de façon mécanique de la distance avec les autres. D’ailleurs, même le vocabulaire employé pour qualifier quelqu’un se rapporte aux odeurs. Que l’on dise « je le sens bien » ou « je ne peux pas le sentir ». Il y a quelque chose de profond dans ces assertions.

Votre travail d’anthropologue est-il une source d’inspiration intarissable ?

Pour moi, l’anthropologie vient vraiment nourrir la littérature. Les rituels funéraires, les parfums, tout ce dont je me suis servie pour écrire ce roman provient des centres d’intérêt de l’anthropologie. Et dans ce métier, nous sommes amenés à rencontrer des environnements différents. Alors…

Cet été, vous allez rencontrer des vacanciers, potentiels lecteurs, dans les villages vacances CCAS. Comment appréhendez-vous ces moments ?

Je les trouve très intéressants car on ne sait jamais à quoi s’attendre ! Et c’est tant mieux. De toute façon, mon roman ne m’appartient plus. Il y a un an et demi, lors de sa sortie, j’étais encore très « protectrice », mais aujourd’hui je m’en suis réellement détachée. Il vit sa vie et moi je le suis de loin. Et chacun s’approprie cette histoire comme il le souhaite.


Des livres à lire, des auteurs à rencontrer

"Le Parfum des cendres", ou l’odeur particulière des rencontres | Journal des Activités Sociales de l'énergie | culture 2023Tout l’été, retrouvez les livres de la sélection littéraire CCAS dans les bibliothèques de vos villages vacances, et rencontrez leurs auteurs au cours des Rencontres culturelles estivales.

Regardez le programme, il y a forcément une rencontre sur votre lieu de vacances !


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