Pierre Maillet : « J’ai aimé le cinéma comme d’autres enfants aiment le foot »

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Dans une pièce faisant dialoguer théâtre et cinéma, au programme des rencontres culturelles dans les villages vacances cet hiver, l’acteur et metteur en scène Pierre Maillet revient sur la naissance de sa vocation. ©DR

Se peut-il qu’un film bouleverse un gamin au point de transformer son destin et faire naître une vocation ? S’inspirant de l’histoire du comédien Pierre Maillet, « Une vie d’acteur » relate la façon dont son amour du cinéma a forgé sa personnalité et lui a ouvert les portes du monde. La pièce sera jouée dans les villages vacances CCAS en mars prochain.

Comment vivez-vous ce deuxième confinement ?

Pierre Maillet – Le premier confinement avait un caractère unique, exceptionnel, qui avait surpris tout le monde. J’ai travaillé sur des projets d’écriture et de mise en scène de spectacles futurs. Notamment « Théorème » de Pier Paolo Pasolini. Je ne l’ai pas mal vécu parce que je me projetais.

Là, j’avoue, je suis un peu lassé. Je ne suis ni malade ni déprimé. Je lis beaucoup et je peux répéter. Mes spectacles, annulés pour cause de crise sanitaire, seront reportés. Je ne suis pas dans une situation catastrophique mais je suis en colère. C’est assez bâtard comme situation. Et le débat sur ce qui est essentiel m’agace profondément.

« Une vie d’acteur » interroge sur la place du cinéma dans la vie des gens. Que représentait-il pour vous lorsque vous étiez enfant ?

Pierre Maillet – En fait, ce spectacle raconte mon histoire. J’y explique mon amour du cinéma, la façon dont je me suis construit à travers lui. J’ai grandi dans les années 1980, dans une petite ville de province où il n’y avait pas grand-chose. J’ai aimé le cinéma comme d’autres enfants aiment le foot.

Le cinéma est un miroir : grâce à lui, je pouvais voir le monde. Il m’ouvrait à lui. C’était comme s’il avait été là pour moi. Il m’a été d’un grand secours dans des périodes délicates. Les films permettent d’exprimer les émotions. Ils nous montrent qu’ailleurs, on peut vivre et faire des choses extraordinaires. Je regardais toute sorte de films. J’étais curieux de tout, j’aimais tout ! Puis j’ai commencé à lire des magazines spécialisés : « Studio », « Première »… Au fur et à mesure, j’ai affiné mes goûts. J’ai découvert le cinéma d’auteur, puis mes maîtres de cinéma, qui sont devenus des repères.

Quel film a compté pour vous ?

Pierre Maillet – Pour moi, le déclic s’est produit quand j’ai vu « Tootsie », de Sydney Pollack. J’avais 10 ans. C’est comme si ce film me parlait. On retient le travestissement de Dustin Hoffman en femme. Or ce film révèle surtout un jeu artistique exceptionnel, une performance d’acteur, mais pointe aussi la situation et la réalité des comédiens. Ce fut une révélation qui a suscité mon envie de devenir acteur.

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Sur scène, Pierre Maillet rejoue « Tootsie », de Sydney Pollack, qui raconte comment un comédien tente de percer dans le métier sous l’identité féminine de Dorothy Michaels. ©André Muller

En quoi un film peut-il à ce point marquer un individu, une génération ?

Pierre Maillet – Ce qu’il y a d’extraordinaire avec un film, c’est qu’il est tellement en phase avec ce que l’on vit sur le moment qu’il entre en résonance avec notre état d’esprit, comme s’il avait été fait pour nous. L’important n’est pas que ce soit un grand film, mais ce qui nous touche, ce qu’il provoque en nous, ce qu’il suscite comme sensations.

Des films très noirs, tragiques, peuvent être d’un grand réconfort. Chacun de nous a pu ressentir ce lien intime et personnel avec un film qui, ensuite, nous accompagne toute notre vie. Dans « Une vie d’acteur », j’évoque cette relation très particulière. Je partage avec le public les émotions que procure un film, les raisons pour lesquelles il nous bouscule, les souvenirs que l’on en conserve. En ce sens, le cinéma, comme la musique d’ailleurs, apparaît comme le marqueur d’une époque et fait partie de notre mémoire collective. Tel film nous renvoie à telle époque, à telle situation.

Que retenez-vous du cinéma de votre jeunesse ?

Pierre Maillet – Dans les années 1980, le cinéma occupait une place spéciale dans la vie des gens. La salle de ciné était un lieu sacré dans lequel s’opérait tout un rituel, avec l’entracte et les ouvreuses qui vendaient des glaces. Les familles y partageaient un bon moment ensemble. C’est également l’arrivée des magnétoscopes dans les foyers et la création des vidéoclubs qui proposaient un large choix de films.

Outre les grandes productions américaines, le cinéma français était au summum. Pour rappel, dans la sélection des Césars de 1981 figuraient Claude Sautet, Maurice Pialat, Alain Resnais, Jean-Luc Godard et François Truffaut qui a remporté le César du meilleur film et du meilleur réalisateur avec « Le Dernier Métro ».

Le fou de ciné que vous êtes joue principalement au théâtre…

Pierre Maillet – Dès le début de ma carrière, j’ai eu la chance de beaucoup travailler au théâtre. Pour moi, l’environnement naturel de l’acteur se trouve là, sur scène, devant le public. J’ai joué quelques rôles au cinéma, proposés par des réalisateurs qui m’ont choisi parce qu’ils m’avaient vu jouer au théâtre.

Je n’ai donc pas de frustration de ce côté-là. Ce qui m’importe c’est de jouer, d’être sur les planches. J’y suis très heureux. Quand bien même, le cinéma reste ma principale source d’inspiration.

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Dans « Une vie d’acteur », Pierre Maillet joue tous les personnages d’acteurs qui ont rythmé sa vie. ©Jean-Louis Fernandez

Être acteur, n’est-ce pas au fond rejouer sa vie à chaque fois ?

Pierre Maillet – Oui, effectivement. C’est la développer aussi. L’acteur vit par procuration des choses extrêmement intenses. Il y a un côté cathartique dans le fait de jouer. On s’inscrit dans quelque chose qui n’est pas forcément soi, mais avec sincérité. Le métier induit l’acceptation de se mettre à nu et de se montrer dans des situations parfois complexes. J’ai souvent joué des personnages qui étaient très loin de moi. Être acteur a participé à me construire et m’apporter un certain équilibre.

Le rôle social du cinéma est admis. Qu’en est-il du théâtre ?

Pierre Maillet – Moi, j’y crois beaucoup. Mais le théâtre souffre encore de trop de préjugés : il serait trop intellectuel, voire chiant… Les places sont chères…. Beaucoup de gens ne savent pas forcément qu’ils y ont droit. Ils le pensent réservé à une certaine catégorie, à une élite. Or, pour moi, le théâtre n’est que social et humain. La relation entre les acteurs et le public est évidente, directe, immédiate. Chacun voit l’autre réagir. C’est un plaisir solitaire partagé. Et à la fin du spectacle, on peut rencontrer les comédiens.

Malgré tout, je perçois, aujourd’hui, une volonté de rendre cet art accessible au plus grand nombre, de la part des collectivités locales notamment. Il faut persévérer. Même avec des textes exigeants, on peut passer un bon moment, y trouver du plaisir.

En mars, vous effectuerez votre première tournée dans les villages vacances de la CCAS. Comment l’abordez-vous ?

Pierre Maillet – La culture est essentielle, contrairement à ce qu’on veut nous faire croire ! J’aime l’idée d’amener le théâtre vers les gens, leur offrir la possibilité de cette découverte. Je mène régulièrement des actions culturelles dans les villages, auxquelles les habitants sont invités. Le lieu de vacances est un contexte propice à cette rencontre, l’endroit idéal pour un décloisonnement. Les gens sont là pour prendre du bon temps, du plaisir.

D’autant que « Une vie d’acteur » est une pièce qui s’y prête parfaitement. C’est une forme théâtrale qui englobe les spectateurs : je m’adresse beaucoup à eux. À la fin du spectacle, ils viennent volontiers me voir pour partager leur ressenti, me questionner sur telle ou telle réplique, ou sur une musique… Les gens sont contents de se retrouver, je crois, autour de ce moment culturel.


Où voir le spectacle ?

La pièce « Une vie d’acteur » est au programme des rencontres culturelles cet hiver.

Retrouvez les dates des rencontres culturelles peu avant les vacances sur ccas.fr > rubrique Culture et loisirs > Rencontres culturelles 

 

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