Après le choc pétrolier de 1973, EDF joue un rôle central dans la redécouverte de la traction électrique. Un prototype réalisé aux Renardières, en Seine-et-Marne, sera même présenté au président de la République, Georges Pompidou, lors des 25 ans de l’entreprise.
« Pour la voiture électrique, l’après-guerre est une période de total effacement. La part de rêve qu’elle portait au début du siècle s’est envolée. Le rebond de l’Occupation a été bien trop timide pour raviver l’intérêt pour un objet désormais associé, dans nombre d’esprits, au temps des restrictions », écrivent Pascal Griset et Dominique Larroque dans « L’odyssée du transport électrique » (EDF-DTVE/Cliomédia, 2006).
Mais, poursuivent les historiens, l’après-guerre est aussi l’époque de l’apparition d’un « nouveau système technique » fondé sur l’électronique, l’informatique, et les nouveaux matériaux qui « préparent silencieusement les dispositifs qui permettront peut-être à la voiture électrique de trouver un nouvel élan ».
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Épisode 1 : Le temps des pionniers
Épisode 2 : Quelques décennies de relégation
L’heure des investissements
EDF joue un rôle central dans cette redécouverte de la traction électrique, à partir des années 1960, et surtout après le choc pétrolier de 1973. À la fin des années 1960, l’entreprise entre dans le capital de la société La Voiture électronique et noue des partenariats avec des industriels, comme la Compagnie générale d’électricité ou Bertin, qui continuent à croire en l’avenir de la traction électrique. Un rapport interne de juillet 1974 résume les raisons de cet investissement. Le rôle d’EDF « a toujours été de favoriser le développement de l’électricité, facteur de progrès et de mieux-vivre, tout spécialement lorsqu’une utilisation ne trouve pas, au début de sa carrière, le ressort de son développement dans l’activité de l’industrie, la demande des utilisateurs restant insuffisante, par ignorance notamment, pour créer un marché », ce qui est, note le rapport, typiquement le cas de la voiture électrique.
L’heure est alors, déjà, à la transition énergétique, entre le charbon et le fuel que brûlent les centrales et le nucléaire. Mais même avec une électricité d’origine thermique, la voiture électrique se montre plus économique, notent les ingénieurs d’EDF dans un autre rapport de 1974, qui calcule : « Une voiture électrique de type R5 parcourant 10 000 km par an en ville consomme environ 2 500 kWh, qui correspondent, compte tenu des pertes diverses, à 2 750 kWh par an aux bornes de la centrale. La consommation correspondante de produits pétroliers dans cette centrale est équivalente au point de vue énergétique à 833 litres d’essence alors qu’une voiture de même type à moteur thermique et utilisée dans les mêmes conditions consomme 1 000 litres d’essence. » Soit une économie de 167 litres d’essence par an, précieuse alors que le prix du pétrole vient d’être multiplié par quatre en quelques mois. EDF estime alors que 2,5 millions de véhicules électriques seront en circulation en France d’ici à vingt ans.
La 4L des Renardières
Mais pour les construire, l’énergéticien public doit nouer des partenariats avec des constructeurs automobiles. Et en premier chef avec la régie Renault. La première action est d’électrifier la 4L, alors le modèle le plus en vogue de Renault. André Faure, mécanicien au centre de recherche des Renardières, s’en souvient. « Mon boulot était de brancher le moteur sur les roues, avec les batteries, pour que ça marche. De faire usiner les pièces, pour faire tourner les roues. Autant vous dire que quand j’ai mis 300 kilos de batterie dans la 4L, les roues avant ne touchaient plus ! » Mais, peu à peu, des solutions sont trouvées, sous la direction de Roland Wolf, ancien technicien devenu dans les années 1990 contrôleur général d’EDF et responsable du programme électrique. En six mois, une 4L, suivie bientôt d’une R5, sont converties en véhicules électriques.
André Faure, mécanicien au centre de recherche des Renardières, a travaillé sur le premier prototype de véhicule électrique EDF en 1971 (photo à la une de l’article).
Le programme bénéficie du soutien de l’État. Dès 1971, une 4L électrique est présentée au président de la République, Georges Pompidou, grand défenseur de « la bagnole », comme il disait. Plusieurs centaines de ces véhicules ne tarderont pas à équiper l’immense centre de recherche et développement d’EDF des Renardières, comme d’autres sites d’EDF. En 1974, le ministre de la Qualité de la vie, André Jarrot, lui-même passionné de mécanique, fait sensation en arrivant au Conseil des ministres à bord d’une R5 électrique.
« Roland Wolf m’a dit, se souvient André Faure, si un jour la voiture électrique doit marcher, il faut des batteries trois fois plus puissantes, trois fois moins lourdes, et cinq ans sans entretien. Nous ne devions pas vendre de voitures électriques, mais nous devions pousser les fabricants de batterie à se pencher sur le problème. On a mis quarante ans. » Mais en attendant, EDF, qui n’a jamais rien perdu de son savoir-faire, en lien avec les industriels de l’automobile, affichait dans les années 1990 le plus grand parc de voitures électriques du monde, avec près de 2 000 véhicules.
En 1976, EDF dresse le bilan de ses efforts, partagés avec d’autres industriels. Il est mitigé. « Lorsqu’une industrie des véhicules électriques se sera constituée à partir des véhicules industriels, et que, de ce fait, les incitations pour la fabrication de nouvelles sources d’énergie auront été suffisantes, alors seulement, grâce aux performances ainsi réalisables, les véhicules électriques pour le transport privé des personnes pourront réellement se développer. » De fait, EDF se retire à partir de la fin des années 1970 des recherches sur la voiture électrique, faute de trouver des partenaires industriels prêts à s’engager dans cette exploration technologique.
Comme le disait devant une commission sénatoriale Roland Wolf en 1995 : « Pour EDF, la voiture électrique est un pari asymétrique. En cas d’échec, les pertes sont faibles. En cas de succès, les gains sont importants. » Cette industrie qu’appelait EDF de ses vœux est aujourd’hui constituée, comme nous le verrons dans le dernier volet de cette série consacrée à l’histoire de la voiture électrique. Ce qui explique que la quatrième et dernière saison de notre histoire soit un printemps plus qu’un hiver.
Bon à savoir
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