Le 10 juin 1961, le premier centre de Planning familial ouvrait ses portes, en toute illégalité, à Grenoble. À l’origine, il visait l’éducation sexuelle des adhérents et l’information sur la contraception, alors interdite en France, tout comme l’avortement. Deux droits acquis depuis, mais qui sont aujourd’hui fragilisés, voire menacés.
Le Mouvement français pour le Planning familial (MFPF) est sur le qui-vive. L’association – qui défend le droit à l’éducation à la sexualité, à la contraception, à l’avortement, et lutte contre les violences et les discriminations liées au genre et à l’orientation sexuelle – s’alarme de la fermeture de sept centres de santé sexuelle dans la Drôme, annoncée par le conseil départemental en avril 2025, et de la baisse de 20 % de ses subventions.
Alors que la France célèbre les 50 ans de la loi Veil, autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le signal est mauvais. « Fermer des lieux d’information, c’est s’attaquer au droit à l’avortement et aux droits sexuels et reproductifs, dénonce la présidente du Planning familial, Sarah Durocher. Nous avons constitutionnalisé le droit à l’avortement, mais malheureusement, pour de nombreuses femmes, il ne pourra pas être un droit fondamental dans son accès », rappelle-t-elle, Ces dernières années, plus de 130 centres d’IVG ont fermé.
L’inquiétude est aussi vive à Grenoble, dans le site historique du MFPF. « Aujourd’hui, nous accompagnons environ 15 000 personnes par an sur nos sept centres. Faute de moyens financiers, nous sommes menacés. On veut tout simplement rester ouvert ! C’est devenu notre angoisse principale », explique Léa Delahaye, chargée de communication au MFPF de l’Isère.
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Dans la Constitution, mais pas au quotidien
Si la liberté d’avorter est un droit inscrit dans la Constitution, pratiquer un IVG s’apparente parfois au parcours de la combattante : peu de soignants pratiquent l’IVG, les structures médicales sont insuffisantes et le délai d’attente pour y accéder est souvent trop long, les difficultés sont accrues pour les femmes dans la précarité… Les témoignages se multiplient.
Au-delà des problématiques concrètes, c’est sur le terrain idéologique que se joue aussi la défense de ces droits. En effet, la France connaît une longue tradition de militantisme et d’actions anti-avortement (attaques contre des locaux associatifs, campagne coordonnée d’autocollants apposés sur des Vélib’ à Paris, etc.). Ce mouvement s’adapte aux outils numériques, et s’épanouit désormais sur Internet.
Car si l’entrave à l’avortement est un délit inscrit dans le droit français, y compris pour tout internaute cherchant à faire obstacle à l’accès à l’avortement en dissimulant ses intentions, le droit à l’IVG reste impunément menacé en ligne. Dans son rapport co-publié avec l’Institute for Strategic Dialogue (ISD), « Mobilisation anti-avortement en France : quand les réseaux sociaux menacent le droit à l’IVG », la Fondation des Femmes présente des conclusions sans appel : les mouvements anti-IVG se sont emparés avec efficacité des réseaux sociaux.
Plus grave encore, ces derniers jouent même un rôle actif dans la propagation des idées anti-IVG : les algorithmes de recommandation favorisent leur circulation, essentiellement sous la forme de fausses informations, d’affirmations trompeuses sur l’avortement et de contenus choquants et dissuasifs.
En savoir plus
- Une interview de Sarah Durocher, présidente du Planning familial, sur les menaces qui pèsent sur l’accès à l’IVG
Mouvement de la « libre maternité »
La défense des droits à l’éducation sexuelle, puis du droit à l’avortement, trouve son origine dans le mouvement de la « libre maternité », initié par la docteure Lagroua Weill-Hallé. Elle crée, en 1956, l’association La maternité heureuse. Avec le développement de la pilule contraceptive, elle souhaite faire changer la loi de 1920 interdisant l’avortement et la contraception.
En 1960, l’association devient le Mouvement français pour le planning familial. Le premier centre est inauguré à Grenoble un an plus tard. Le docteur Fabre1, cofondateur du Planning familial, témoigne à l’époque : « L’avortement est une véritable plaie que nous traînons après nous. » Dans ce centre « il s’agit moins d’apprendre aux couples à ne pas avoir d’enfants que de leur apprendre à les désirer et à les avoir dans de bonnes conditions ».
Aujourd’hui, le mouvement poursuit ses actions. « L’accompagnement de la vie affective, la santé sexuelle, la lutte contre les violences… c’est tout au long de la vie, et cela concerne tout le monde ! », rappelle Léa Delahaye. Mais il cherche de nouvelles sources de financement pour continuer à exister. La baisse des aides publiques en toile de fond maintient plus que jamais les militantes et les militants en alerte.
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(1) Le MFPF a été destinataire, en 2024, d’un témoignage concernant un fait de violence sexuelle commis par Henri Fabre, décédé en 2012.
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