Électricité et gaz d’Algérie : histoire d’une nationalisation manquée

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Il y a soixante-dix ans naissait la compagnie Électricité et Gaz d’Algérie, dans le sillage de la loi de nationalisation du 8 avril 1946. L’objectif de l’État colonial – rationaliser une production dépendante des importations et une distribution très disparate – ne fut cependant réalisé qu’après l’indépendance.

« La présente loi est applicable à l’Algérie et aux colonies dans les conditions qui seront fixées par décret pris en Conseil des ministres et dans un délai n’excédant pas un an », stipule l’article 52 de la loi de nationalisation de l’électricité et du gaz du 8 avril 1946, fondant EDF et GDF. Il faudra en vérité un peu plus d’un an pour que naisse dans les trois départements français d’Algérie l’entreprise Électricité et Gaz d’Algérie (EGA), fondée par un décret du 5 juin 1947, il y a tout juste soixante-dix ans.

Ce décret nationalise 16 entreprises énergétiques installées en Algérie, dont 14 filiales d’entreprises métropolitaines. Sont exclues de la nationalisation les petites sociétés ayant produit moins de 5 millions de kilowattheures. La nouvelle entreprise EGA assure à compter du 1er novembre 1947 le service public de l’énergie. Elle compte alors 5 400 salariés, qui bénéficient du statut métropolitain des électriciens et gaziers. Son conseil d’administration comprend 15 membres, un tiers désigné par les autorités, un tiers par les représentants des consommateurs, et le dernier par les organisations syndicales. Présidée par le préfet Pierre Maisonneuve, EGA est dirigée par Marcel Weckel, natif d’Algérie, qui restera à la tête de l’entreprise jusqu’à l’indépendance, en 1962.

Un réseau morcelé, des prix élevés

L’idée d’une nationalisation de l’énergie dans la colonie française était déjà dans l’air du temps avant-guerre. De l’avis général, l’approvisionnement énergétique de l’Algérie était très déficient. Il reposait à 85 % sur des centrales thermiques, brûlant du charbon ou du fuel importé. Du fait du morcellement entre entreprises rivales, l’interconnexion était quasiment inexistante. Les rares barrages hydroélectriques de Kabylie étaient reliés à Alger par des lignes différentes, selon qu’elles étaient installées au nord ou au sud du massif montagneux du Djurdjura. Dans la capitale coexistaient quatre réseaux (3 200, 5 500, 6 600 et 10 000 volts) tandis que trois autres (15 000, 22 000 et 30 000 volts) se déployaient dans les campagnes.

Résultat : l’électricité était chère (50 % de plus à Alger qu’en métropole) et les campagnes restaient très peu desservies. Comme le notait l’historien Daniel Lefeuvre, dans son article « L’électricité en Algérie » (2002) : « Le processus de nationalisation de la production et de la distribution de l’électricité en Algérie a donc, avant toute autre considération, répondu à une nécessité technique. Elle est apparue comme l’ultime moyen de passer outre le mauvais vouloir des multiples sociétés locales qui ont multiplié les obstacles à la rationalisation de la production et de la distribution en refusant, en fait, la création d’une société unique. »

L’hydroélectricité, solution miracle ?

EGA va mettre longtemps à unifier les multiples particularités locales du système énergétique algérien pour sortir de l’imbroglio technique, administratif et commercial qui prévalait. En 1951, on compte encore quelque 2 000 tarifs locaux de l’électricité et ce n’est qu’au moment de l’indépendance qu’un tarif unique est proche d’être atteint grâce au développement des capacités de production. La grande affaire d’EGA est en effet l’équipement hydroélectrique du territoire. Dans les zones montagneuses, à la pluviométrie abondante, des barrages sont mis en chantier. « Dès sa création, la politique d’investissement d’EGA fut presque entièrement tournée vers les aménagements hydroélectriques délaissant le thermique qui fonctionnait en partie au charbon et coûtait très cher en frais d’extraction, de transport ou d’importation », notait encore Daniel Lefeuvre.

Dans un contexte de chômage endémique de la population « indigène », comme on disait alors, ces grands travaux permettent aussi de créer de l’emploi pour la main-d’œuvre locale. Mais cette dernière ne profite que très peu de cet effort de développement qui permet un accroissement de 143 % en une décennie des capacités de production. Le nombre d’abonnés à l’électricité double entre 1948 et 1961 mais les Européens représentent alors 87 % des usagers : on retrouve là l’injustice intrinsèque du système colonial.

D’EGA à Sonelgaz

L’indépendance algérienne s’accompagne d’un départ massif vers la métropole des salariés d’EGA. La consommation s’effondre de 33 % en deux ans, et ne retrouve qu’en 1968 son niveau de 1961. L’année suivante, EGA est nationalisée pour former la Société nationale de l’électricité et du gaz (Sonelgaz). C’est cette entreprise qui mènera à bien, dans les années 1970 et 1980, l’électrification de l’ensemble du territoire algérien qu’EGA, concentrant son action sur les métropoles où vivaient les Européens, n’avait pas menée.


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