« Indianara », une révolutionnaire brésilienne arc-en-ciel

"Indianara", une révolutionnaire brésilienne arc-en-ciel | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 88441 Film Indianara

« Indianara », ou l’itinéraire d’une militante trans pour les droits humains, de son élection comme conseillère municipale suppléante à Rio de Janeiro (Brésil) en 2016 jusqu’à l’élection de Jair Bolsonaro. ©Santaluz

À travers le portrait d’Indianara, pasionaria et activiste pour les droits LGBT+ au Brésil, Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa offrent une œuvre flamboyante et rageuse, engagée et joyeuse, dont on ne ressort pas indemne. Un film de la sélection officielle de l’Acid-Cannes 2019, partenaire des Activités Sociales de l’énergie.

« Une pute au conseil municipal ! » : c’est avec ce slogan qu’Indianara Siqueira, militante transgenre pour les droits des personnes LGBT+ (1), a été élue conseillère municipale suppléante à Rio de Janeiro, au Brésil, en 2016. Le film qui porte son nom, sélectionné par l’Acid lors du Festival de Cannes 2019, en salles depuis le 27 novembre dernier, lève le voile sur trois ans d’engagement, de 2016 à aujourd’hui.

Née Sergio dans une famille brésilienne modeste, elle commence sa transition – terme qui désigne l’évolution sociale, médicale et administrative d’un individu d’un genre à l’autre – à l’âge de 12 ans. La future élue brésilienne devient Indianara à 16 ans. Depuis lors, elle ne cessera de militer pour le droit à la différence des personnes LGBT+. Partout. Quotidiennement.

(1) LGBT+ (personnes, droits…) : sigle désignant les minorités sexuelles lesbiennes, gays, bi·es, trans, mais aussi queer, intersexe ou asexuelles.

De sa jeunesse à Sao Paulo, où elle s’engage, entre prostitution et petits boulots, dans la prévention contre le virus du sida, à son élection à Rio il y a trois ans, Indianara mène sans relâche cette lutte pour défendre les plus fragiles. Mais il ne s’agit pas seulement d’un combat pour des droits : c’est une question de survie.

De joyeux rageux au pays de Bolsonaro

Le Brésil est en effet l’un des pays les plus dangereux pour les personnes transgenres. Lorsqu’elles ne sont pas victimes de violences policières, elles sont assassinées (un meurtre tous les deux jours en moyenne, soit 179 en 2018). Leur espérance de vie est de 35 ans. Une des séquences fortes du film montre Indianara, seins nus et mégaphone en main, qui égrène les noms des personnes trans tuées dans l’année écoulée. À chaque nom, le public répond « présente ».

C’est pourquoi elle décide d’ouvrir un refuge pour les personnes LGBT en situation de précarité (prostitué·es, sans-abris, réfugié·es…), la Casa Nem. Peu de confort, mais de la chaleur humaine, du respect et de la solidarité. Indianara fédère ainsi une petite communauté autour d’elle, qui grossit et, à son contact, s’éveille à l’engagement. Tous les résidents de la Casa Nem sont ses « enfants », spirituels et politiques, fêtard·es et combattant·es. De joyeux rageux, en somme.

L’humour reste d’ailleurs la meilleure arme de résistance face à l’autoritarisme, a fortiori depuis l’élection de Jair Bolsonaro à la tête du pays en 2018, aux positions ouvertement homophobes. Depuis son élection, la protection légale des citoyen·nes LGBT+ a été annulée. Des personnalités politiques tentent de faire interdire les discussions autour de l’orientation sexuelle à l’école ; les lois qui facilitent l’accès aux toilettes aux personnes trans et celles qui leur permettent de changer de prénom sont également menacées.

Face à cela, Indianara affiche une gouaille moqueuse, une manière de provoquer réjouissante, qui irrite également les partis de gauche, qu’elle traite volontiers d’hypocrites. Bringues monumentales, luttes, drames et mariage s’enchaînent, dans un ballet de corps qui s’exhibent, se croisent ou souffrent.

Le corps, instrument de la révolution

Le corps est omniprésent dans le film, tant par l’usage qu’en fait Indianara, que par le regard que les réalisateurs portent sur lui. Telle Marianne guidant le peuple, seins nus et brandissant un drapeau LGBT+, la militante s’en sert comme d’une arme, un peu à la manière des Femen. Si aucun message n’y est inscrit, ce corps parle de lui-même, de la liberté revendiquée d’Indianara. Il est également témoignage et mémoire des souffrances et des batailles.

Seins nus, le drapeau arc-en-ciel dans une main, le mégaphone dans l’autre, Indianara est une guerrière des droits humains.

Et les ami·es de la combattante sont dans le même rapport à cette enveloppe charnelle, à la fois euphorique et douloureux. Dans un Brésil où le culte du corps refait et parfait est roi, mais où le topless est interdit, ces corps-là s’assument, malgré leurs défauts, leurs rides ou leurs bourrelets. Sous l’œil de la caméra, ils redeviennent fiers et puissants, comme si la lutte leur injectait l’énergie dont ils ont besoin…

Interdite de territoire… en France

Selon Amnesty International, qui soutient le documentaire, « filmer le combat d’Indianara, c’est montrer la réalité du quotidien de tous les défenseurs des droits humains à travers le monde ». Sur la Croisette cannoise, où l’on se targue souvent de défendre les cinéastes iraniens ou chinois emprisonnés dans leur pays, Indianara n’était pas là pour présenter son film. Exilée il y a quelques années en France, elle a voulu offrir un toit aux prostitué·es en situation de fragilité. Condamnée à cinq ans de prison pour proxénétisme, pour avoir hébergé des collègues prostitué·es, elle en passera deux à Fleury-Mérogis avant d’être expulsée. La militante est désormais interdite de séjour sur notre territoire. Liberté, égalité… etc.


La fiche

« Indianara »"Indianara", une révolutionnaire brésilienne arc-en-ciel | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 88437 Film Indianara
Un documentaire d’Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa
Brésil, 2019, 84 min.

Ce film bénéficie du soutien de l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion (Acid), partenaire des Activités Sociales de l’énergie.


"Indianara", une révolutionnaire brésilienne arc-en-ciel | Journal des Activités Sociales de l'énergie | logo acid cannesL’Acid : donner une chance à tous les films d’être vus

Née en 1992, l’Acid est une association de cinéastes qui œuvre à rendre accessible le cinéma indépendant à tous les publics, en lien avec l’action culturelle de proximité. En cela, elle partage la philosophie de la CCAS, dont elle est partenaire. Afin d’offrir une vitrine aux jeunes talents, l’Acid présente une programmation au Festival de Cannes et au festival Visions sociales de la CCAS.
Site Internet : www.lacid.org / Plus d’infos sur ce partenariat sur ccas.fr

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