Corinne Masiero ne lâche rien

Généreuse, combative, crue, attachante, drôle. La comédienne roubaisienne est la marraine du 13ème festival Visions Sociales qui s’ouvre le 16 mai à la Napoule, près de Cannes. Une rencontre à ne pas manquer.

Bio-express. Née à Douai (Nord) en 1964, Corinne Masiero découvre le théâtre à 28 ans. Elle obtient en 2011 son premier « premier rôle » avec Louise Wimmer qui lui vaut d’être nommée aux César. Elle joue dans de nombreuses séries : Engrenages, Les vivants et les morts, Hard, Fais pas ci, fais pas ça, etc.

Vous êtes la marraine de Visions Sociales. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’accepter ce nouveau rôle ?

Le festival Visions Sociales est un contrepoint important par rapport au festival de Cannes dans ce qu’il peut avoir de mercantile. Il rejoint en quelque sorte le travail de toutes les associations que je marraine(1). La culture, ou plutôt les cultures, c’est quelque chose qui m’a sauvé la vie, physiquement, mentalement, socialement. Marrainer ce genre de festival, c’est à la fois un moyen pour moi de renvoyer l’ascenseur et de dire aux gens : « Venez vous servir de cet outil-là pour vous ouvrir l’esprit et vous défendre ! » Je suis très flattée d’être marraine. Ce festival est le genre d’initiatives qu’il faudrait prendre un peu plus au sérieux dans le monde du cinéma.

Comment la culture vous a-t-elle sauvé la vie ?

J’étais à un moment de ma vie où je faisais pas mal de conneries, où je ne voyais pas trop ce que je faisais dans la société ni dans la vie tout court. J’avais des potes qui jouaient au théâtre et je suis allée leur donner un coup de main. De fil en aiguille, je me suis retrouvée par hasard sur le plateau et j’ai trouvé une raison d’être là. Non seulement je n’étais plus quelqu’un d’invisible mais ce que j’avais dans la tête, les gens l’écoutaient. Pendant un an, comme je ne connaissais pas le métier, je suis allée voir plein de spectacles gratuitement. Ça m’a sauvé la vie parce que grâce à ça je ne me suis pas foutue en l’air et j’ai trouvé un métier, une passion, quelque chose qui non seulement me servait à m’exprimer, à réfléchir par moi-même, mais me donnait aussi un pouvoir de transmission. La culture pour moi, c’est ça aussi, c’est de l’éducation populaire.

Deux de vos films récents, Louise Wimmer et Discount, seront projetés à Visions Sociales(2). Quelle place ces films occupent-ils dans votre parcours ?

Louise Wimmer sera pour toujours mon film : mon premier « premier rôle » au cinéma. Et surtout, c’était la première fois que je suivais de près le déroulement d’un projet cinématographique en amont et en aval, la première fois que j’étais tous les jours sur le tournage. Et puis ça a été la découverte d’un super-réalisateur, d’un créateur, Cyril Mennegun, un mec extraordinaire. La découverte aussi, au sein de ce milieu de paillettes, de gens qui avaient des choses à raconter et à défendre.

Dans Louise Wimmer, vous jouez le rôle d’une femme qui dort dans sa voiture et se bat pour retrouver sa dignité. Comment êtes-vous entrée dans la peau de ce personnage ?

Dans ma manière de travailler, il ne s’agit pas d’entrer dans la peau d’un personnage. La peau du personnage, c’est la tienne. Quand on a présenté le film à la Mostra de Venise, avec des centaines de personnes dans la salle, je m’attendais tellement à ce qu’on se fasse au mieux huer au pire que les gens se barrent… Au contraire, ils étaient debout, ils chialaient… Rien qu’à en parler, j’en ai encore les poils des bras qui se hérissent ! Tu te dis : pourquoi ne parle-t-on pas plus souvent au cinéma de sujets comme ça, de thèmes sociaux qui touchent la grande majorité des gens ?

Qu’est-ce qui vous plaît dans ce cinéma social ?

C’est une forme d’expression citoyenne. Si on ne parle pas des choses qui nous touchent au quotidien, qui nous empêchent de vivre ou au contraire qui nous permettent de progresser, ça ne sert à rien. Le cinéma avec des visions sociales, c’est une manière de dire à ceux qui vivent dans leur bulle : « ouvrez les yeux, autour de vous c’est comme ça qu’on vit ». Avec ce cinéma, notre jugement s’élargit, on peut penser autrement. Pour moi, c’est ça la mission du cinéma social. Ce qui ne l’empêche pas d’être drôle.

Comme Discount…

Discount est un film choral. Evidemment, dans ce genre de tournage tu te fends la gueule. Tout n’est pas dans le film, mais j’ai hâte de voir le bonus du DVD qui va sortir le 2 juin 2015. Il va y avoir des surprises ! (rires)

Vous aimez vous présenter comme une « comédienne de base interluttante ». Qu’est-ce que ça veut dire ?

Dire « comédienne de base », c’est remettre les choses au clair. C’est dire « je fais du cinéma, mais attention, à côté il y a des gens qui sont dans des situations graves, qui se bagarrent de manière beaucoup plus intense que nous ». Et puis « interluttante » parce que depuis 2003 je me bagarre avec les gens de la coordination des interluttants du Nord-Pas-de-Calais(4) et que c’est une chose que je ne lâche pas. Il faut continuer à être citoyen dans sa profession et dans sa vie de tous les jours. Un festival comme Visions Sociales permet justement de lier les deux : la démarche citoyenne et la démarche professionnelle.

Vous êtes aussi marraine des associations MIAA (Mouvement d’Intermittents d’Aide aux Autres) et Essor Espoir (réinsertion sociale) et vous êtes bénévole dans plusieurs associations comme Salam à Calais.

J’aide aussi une petite école qui essaye de ne pas fermer. Il y a plein d’associations qui me demandent de les marrainer. Je ne regarde pas les infos à la télé car on est toujours en train de montrer ce qui ne va pas. Il y a plein de gens autour de nous qui se démènent pour faire bouger les choses, pour faire progresser l’humanité à petite, moyenne ou grande échelle. Donc quand je peux mettre un coup d’éclairage là-dessus, je trouve que c’est important. Ça permet de dire aux gens qui se laissent avoir par la morosité ambiante : « Regardez autour de vous, il y a des gens qui bougent, qui font des trucs qui marchent, politiquement, écologiquement, culturellement ». Pour en revenir aux interluttants, ici à Roubaix il y a plein de gens qui ont des petites compagnies de théâtre ou des documentaristes qui montrent que les citoyens font des choses et sont force de propositions. Il faut montrer tout ça.

Le « star system » n’a-t-il pas prise sur vous ?

Il ne peut pas, car je n’y habite pas. Evidemment que j’y suis confronté. Mais il y a aussi des gens très bien dans le star system, qui ont des attitudes vraiment citoyennes et qui n’en parlent pas. Et comme dans tous les métiers, il y a des gens qui disent « moi, la politique ne m’intéresse pas ». Ils ne se rendent pas compte qu’ils sont concernés comme tout le monde. Si tu ne te sens pas concerné par la politique, alors ne prends pas la route ou l’autoroute, ne mets pas tes gosses à l’école, ne va pas te faire soigner !

Vous allez tourner cet été 2 nouveaux épisodes de Capitaine Marleau, téléfilm qui sera diffusé cet automne sur France 3.

On en a déjà tourné un avec Gérard Depardieu et on va en tourner deux autres cet été. Une première projection du premier épisode va être faite dans les semaines qui viennent. C’est un téléfilm façon Colombo. Josée Dayan, la réalisatrice, est quelqu’un de vraiment impressionnant que j’aime beaucoup.

Va-t-on vous voir dans d’autres films cette année ?

Il y a un autre premier film (j’aime bien faire des premiers films), Souffler plus fort que la mer, d’une réalisatrice qui s’appelle Marine Place. On l’a tourné sur l’île d’Hoëdic, en Bretagne. C’est un film qui a été fait à la « vas-y comme je te pousse », financièrement, mais qui va être très beau. Ça parle de pêcheurs qui doivent mettre leur bateau à la casse. Là-dessus vient se greffer une très belle histoire poétique… J’ai tourné un autre film avec Gustave Kervern comme comédien, qui parle du combat d’un gamin contre une maladie orpheline : pour les derniers moments de sa vie, il va essayer de monter un festival de musique rock. Encore une leçon de vie. Il y a encore un autre film, Code barre, réalisé par Christian François, qui, comme Discount, se passe dans un supermarché où les gens se font licencier. Mais là, au lieu de partir dans la solidarité, ça part dans le côté punk. Ils se disent : « si on est destiné à la casse, on va tout casser ! »

(1) Corinne Masiero est la marraine de plusieurs associations dont MIAA (Mouvement d’intermittents d’aide aux autres) et Essor Espoir (association d’insertion sociale). Elle se bat contre la fermeture d’une école et soutient Salam, association calaisienne d’aide aux migrants.
(2) Les 17 et 16 mai.
(3) Coordination des intérimaires, intermittents et précaires du Nord-Pas-de-Calais en lutte contre l’accord Unedic du 22 mars (http://coordination-des-interluttants-59-62. blogspot.fr).

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4 Commentaires
  1. Doudou a62 9 ans Il y a

    Superbe en capitaine Marleau , trop top , tu nous amuses , ça fait du bien dans cette société stressante de sourire , t’as le look coco , bonne continuation ma belle

  2. Masiero Andreano 10 ans Il y a

    De mieux en mieux ! Bien dit tout ça. Bravo pour ce que tu fais . Chapeau !!
    Gros bisous .

  3. RAY 10 ans Il y a

    Merci pour votre belle humanité
    J’aime beaucoup votre travail …..mais aussi ce que vous faites en dehors de votre métier. Bravo. Continuez.

  4. manet 10 ans Il y a

    super Corinne continue t es une des meilleures

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