Fin septembre, EDF a annoncé l’abandon du projet de reconversion à la biomasse de la centrale à charbon de Loire-Atlantique. Et ce, en dépit de la promesse faite par le président de la République un an plus tôt. Les syndicats appellent à une large mobilisation locale et nationale pour contrecarrer une « décision purement économique ».
Article co-écrit par Samy Archimède et Ludovic Finez
« Les agents sont en souffrance et ils expriment leur colère devant cette trahison. » C’est peu dire que l’annonce, fin septembre, de l’abandon par EDF du projet de reconversion à la biomasse de la centrale thermique de Cordemais (Loire-Atlantique) ne passe pas auprès des 340 agents EDF et 120 salariés prestataires.
Fabien Deschamps, délégué CGT à la centrale, l’a immédiatement senti lors de l’assemblée générale du 25 septembre, organisée au lendemain de la publication du communiqué d’EDF. Si ce texte utilise des formules prudentes – le projet devant être « soumis à la consultation des instances représentatives du personnel » –, la messe semble dite du côté de la direction du groupe, « les conditions technico-économiques [de la reconversion] n’étant pas réunies ».
Un an plus tôt, jour pour jour, le président de la République était pourtant formel lors d’un entretien sur France 2 et TF1 : « On va complètement convertir à la biomasse » les deux dernières centrales à charbon françaises, Cordemais et Saint-Avold (Moselle). Cette annonce d’Emmanuel Macron était tout sauf une surprise en Loire-Atlantique, puisque le projet de transition se construisait depuis des années. Le dossier d’EDF et de Paprec (entreprise française de collecte et de recyclage de déchets) avait même été retenu en janvier 2023 par le gouvernement dans le cadre d’un « appel à manifestation d’intérêt ».
Deux enquêtes publiques, deux autorisations préfectorales
Tout semblait rouler : à EDF l’exploitation de la future centrale à biomasse, et au spécialiste du traitement des déchets la fourniture de combustible. Avant d’en arriver là, de nombreuses cases avaient été cochées : en particulier les deux autorisations préfectorales avaient été délivrées à l’issue d’autant d’enquêtes publiques.
La première, début 2021, baptisée Ecocombust 1, portait sur la « restructuration de la centrale de Cordemais […] de façon à permettre une cocombustion (charbon et pellets issus de déchets) pour la production d’électricité et la construction d’une usine sur le site même pour la fabrication de ce nouveau combustible ».
Ecocombust 2, en 2023, concernait spécifiquement « la création [par Paprec] d’une usine de fabrication de “black pellets” », des granulés fabriqués à partir de déchets de bois. Ces deux dossiers ambitieux devaient beaucoup à l’investissement des salariés de la centrale et à leur syndicat majoritaire CGT, qui refusaient de voir disparaître leur site après l’annonce de la fin programmée, en 2027, de la production d’électricité à partir de charbon.
Ressentiment palpable lors de la réunion publique
Le 10 octobre, lors de la réunion publique « pour une transition juste à Cordemais », organisée dans cette commune de 4 000 habitants et à laquelle ont participé de nombreux élus du territoire, le ressentiment était palpable.
« Il y a des familles autour », s’insurge Dany, agent EDF, qui explique vivre sa « troisième fermeture de site ». Selon Gwenaël Plagne, agent EDF à Cordemais depuis vingt-deux ans et secrétaire (CGT) du CSE central d’EDF SA, « cette décision est incompréhensible, le prétexte de la fermeture est purement économique ». Ségolène Amiot, députée de la troisième circonscription de Loire-Atlantique, pointe l’incohérence de l’État. « On a besoin de plus d’électricité mais on ne s’en donne pas les moyens ! Cordemais est le seul site de production d’électricité sur tout le Grand Ouest. Il est grand temps d’entrer dans une planification. »
L’espoir reste de mise et Gwenaël Plagne veut encore y croire : « La décision n’est pas complètement prise […]. Il y a besoin d’une réaction forte, groupée du territoire. » L’intersyndicale de la centrale (CGT, CFE-CGC, FO) ne s’avoue pas non plus vaincue. Dans un préavis de grève déposé le 26 septembre, courant jusqu’au 21 mars, elle demande « au gouvernement de préciser sa position concernant l’avenir du site » et d’étudier la faisabilité de la reconversion de la centrale, mise en service en 1970, avec un autre partenaire économique que Paprec.
« Si ce n’est pas au statut, ce n’est pas pour nous ! »
Comme alternative, EDF évoque la possible implantation à Cordemais d’ »une usine de préfabrication de tuyauterie » pour réacteurs nucléaires EPR2, qui « pourrait employer une centaine de personnes à sa création pour atteindre environ 200 [personnes] à son pic d’activité ».
Fabien Deschamps ne cache pas son scepticisme. Selon lui, l’effectif de départ serait essentiellement constitué de salariés de Framatome, la filiale d’EDF qui gérerait l’usine, et le démarrage ne pourrait se faire avant 2029, compte tenu « des délais pour les permis de construire, les autorisations, l’obtention des subventions… ».
Se pose aussi la question des conditions sociales : « Si ce n’est pas au statut [des Industries électriques et gazières], ce n’est pas pour nous ! », prévient d’emblée Gwenaël Plagne. La stratégie globale d’EDF interroge également. « Fermer la centrale de Cordemais, c’est tirer un trait sur 1 200 MW pilotables, sans rien ouvrir en face », souligne Fabien Deschamps. Selon lui, « maintenant, ce sont les élus [locaux et nationaux] qui ont les clés ! ».
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