« Grèce : de l’électricité gratuite pour 300 000 foyers »

Yannis Eustathopulos©CC/ccas

Yannis Eustathopulos ©CC/ccas

L’économiste Yannis Eustathopoulos analyse les mesures prises depuis février en matière de droit à l’énergie par le gouvernement grec. Celui-ci fait face à deux grandes menaces : la privatisation des entreprises et la dégradation de l’environnement.

Yannis Eustathopoulos, expert des entreprises et services publics, travaille pour l’Institut du travail de la Confédération générale des travailleurs grecs. Son livre « Services publics, de la théorie à la pratique : Energie, eau, télévision et services bancaires » sera prochainement publié chez un éditeur grec.

Qu’est-ce qui a changé en Grèce dans le secteur de l’énergie depuis l’arrivée de Syriza au pouvoir ?
Deux éléments. Premièrement, le programme de privatisation des entreprises publiques a été suspendu. C’est un grand changement car avant, toutes les entreprises publiques de l’énergie étaient vouées à être privatisées dans le cadre du programme d’ajustement structurel. Deuxièmement, il y a une nouvelle politique qui essaye de rétablir le droit à l’énergie : une loi contre la crise humanitaire va être mise en application très prochainement. Elle vise les personnes les plus démunies et comporte trois mesures provisoires, valables jusqu’à la fin de l’année. D’abord, fournir une quantité d’électricité gratuite à environ 300000 foyers (jusqu’à 300 kWh par mois et par foyer pour les personnes qui ont moins de 2500 euros de revenus par an). Ces personnes seront également dotées d’une carte avec laquelle elles pourront acheter des aliments à hauteur de 70 à 220 euros par famille et par mois. Enfin, elles pourront bénéficier d’une allocation logement. Car en Grèce il n’y a pas de logement social. Le ministre de l’énergie a aussi annoncé la suspension de la nouvelle vague de hausse des tarifs qui était prévue.

Ces mesures se limitent-elles à l’année 2015 ?
Elles seront en principe renouvelées chaque année. Cela représente un coût budgétaire assez important et vu la situation économique actuelle et la lenteur des négociations avec les créanciers, il n’est pas facile d’anticiper pour les années à venir.

Quelle est la situation en matière d’accès à l’énergie ?
Jusqu’à la crise (2010), il n’y avait pas trop de problèmes en Grèce en matière de droit à l’énergie. Avec l’entreprise publique d’électricité, le coût de l’électricité était relativement faible par rapport à d’autres pays. Les gens se chauffaient aussi au pétrole. Mais à partir de 2010, il y a eu d’énormes changements sur le plan social (baisse considérable des revenus des ménages, hausse du chômage qui est monté à 30%). Dans le cadre des programmes d’ajustement et des politiques de libéralisation qui ont été accélérés, il y a eu d’énormes hausses de tarifs et la suppression totale de la péréquation tarifaire. La combinaison de ces facteurs (baisse des revenus, chômage de masse et hausse des tarifs) a créé d’énormes problèmes. Et l’Etat grec n’est pas prêt à faire face à cela car la notion de services publics n’existe pas vraiment en Grèce dans le domaine de l’énergie.

Le gouvernement peut-il protéger le secteur énergétique contre les privatisations ?
Aujourd’hui, les mesures prises sont des mesures d’urgence. Urgence par rapport à la privatisation et urgence par rapport au rétablissement d’un droit à l’énergie élémentaire. On ne peut pas parler actuellement de service public à la hauteur des enjeux existants. On essaye déjà de sauver les meubles.

Difficile dans ce contexte d’avoir une ambition sur plusieurs années en termes d’accès à l’énergie…
Exactement. Il y a de grosses pressions sur les liquidités du pays. Il s’agit de trouver les fonds pour les salaires et les retraites.

Comment le gouvernement se positionne-t-il par rapport aux « institutions » que sont Union européenne, Banque centrale européenne et Fond monétaire international.?
La question des privatisations est au centre des négociations. Du coté du gouvernement grec, la ligne rouge inclue le maintien dans le secteur public des entreprises de l’énergie. Mais du coté des institutions, il y a une vraie ambition de privatiser. Autre question cruciale : en 2011-2012, le gouvernement et la troïka avaient pris la décision d’inclure une taxe foncière de plusieurs centaines d’euros dans la facture d’électricité [voir l’article « Procès sous haute tension » dans Le Journal n°337 , octobre 2012]. Cela a complètement déstabilisé la situation car les gens se sont retrouvés dans l’incapacité de payer cette facture alourdie. Leur droit à l’énergie s’est retrouvé lié à leur capacité ou non à payer cette taxe. Une taxe très élevée dans cette situation de crise. Cela a aussi créé de gros problèmes à l’entreprise publique d’électricité et un énorme cercle vicieux. Aujourd’hui encore, on en ressent les conséquences.

Quelles sont les prochaines échéances dans le secteur de l’énergie ?
Nous attendons de savoir si les entreprises du secteur seront incluses ou non dans le paquet de privatisation. Les gouvernements précédents avaient signé des programmes de privatisation de toutes les entreprises publiques. Maintenant, dans le cadre des négociations, le nouveau gouvernement a dit : la plupart des privatisations qui ont été entamées vont être réalisées, mais les autres entreprises ne seront pas privatisées. Elles seront étudiées au cas par cas. Il y a une énorme pression de la part des institutions pour que les entreprises de l’énergie, ou certaines d’entre elles, soient privatisées.

Quels sont les défis à relever dans les mois à venir ?
Sauver ces entreprises et en faire quelque chose de bien, les moderniser. Autre énorme challenge lié au droit à l’énergie : l’environnement. Les performances environnementales du système énergétique grec sont mauvaises. De plus, les factures impayées, la hausse des prix du pétrole et la hausse des impôts ont créé d’énormes problèmes environnementaux durant ces derniers hivers. Les gens ont utilisé du chauffage au bois, ils ont commencé à brûler n’importe quoi. Il y a eu un énorme nuage de pollution sur Athènes, avec des risques immenses sur la santé des gens.

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