Réforme des retraites : un faux débat et de vraies questions

Réforme des retraites : un faux débat et de vraies questions | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 85874 Manifestation de retraites le 8 octobre 2019 a Paris

Journée nationale d’action des retraités, le 8 octobre 2019, ici à Paris. ©Jérôme Leblois/Hans Lucas/AFP

La réforme des retraites annoncée pour l’été prochain – et les attaques contre les régimes spéciaux qui l’accompagnent – sera la septième depuis 1993. Celle-ci pourrait mettre un terme à la notion de droits définis au système de retraite par répartition le plus efficient au monde.  

Dans le prolongement des recommandations de la Commission européenne, le gouvernement a choisi de s’interdire de franchir, même d’un iota, la barre de 13,8 % du PIB (produit intérieur brut) consacrée au financement des retraites. Face au vieillissement de la population et à l’augmentation de l’espérance de vie – plutôt une bonne nouvelle –, les pouvoirs publics ont décidé de travailler sur un système par points, privilégiant l’augmentation individualisée de la durée de cotisation, en fonction d’un « capital points », mais sans garantir la valeur de ces derniers.

Pour compléter les pensions, il propose de renforcer les dispositifs de capitalisation. « Un régime par points, en prenant en compte toute la carrière, ne peut que faire baisser le niveau des pensions », note l’association Attac. Obscur – à dessein, diront certains. Au total, l’instauration de ce nouveau système ferait baisser les pensions de 25 à 30 %.


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7,5 actifs pour 10 retraités en 2050

« Il y avait 3 retraités pour 10 actifs en 1970, explique l’économiste Thomas Porcher. Aujourd’hui, c’est 6 retraités pour 10 actifs et, en 2050, ce sera 7,5 actifs pour 10 retraités. C’est une évolution que l’on peut financer par l’augmentation du taux de cotisations », affirme-t-il. Dans le dossier qu’elle consacre à la question, l’Union fédérale des cadres CGT précise qu' »entre 1960 et aujourd’hui la part du PIB dédiée au financement des retraites est ainsi passée de 5 % à 13,8 % ».

« L’augmentation des cotisations a été de 0,38 point par an entre 1971 et 1991. » Concrètement, affirme l’Ufict (Union fédérale des ingénieurs cadres et techniciens), « il faudrait accroître en vingt-cinq ans cette part de 6 points, soit 0,24 point par an ». Soit, pour un salaire de 2 500 euros brut par mois, 4 euros sur la part « salariale » et 6 euros par mois sur la part « patronale ». Et de rappeler que « le Conseil d’orientation des retraites ne disait rien d’autre en constatant que ‘le besoin de financement est important, mais peut être couvert' ».

Quant au régime spécial des Industries électriques et gazières (IEG), il ne coûte rien à la solidarité nationale, mais participe aux ressources du régime général. L’ouverture du capital d’EDF et de GDF, qui passe du statut d’Épic (Établissement public industriel et commercial) à celui de société anonyme cotée en Bourse, conduit l’opérateur public à transférer les provisions financières consacrées aux retraites sur le budget d’exploitation des entreprises intégrées EDF-GDF vers le régime général.


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La première conséquence de ce transfert est la création en 2004 de la Caisse nationale des Industries électriques et gazières vers une caisse de retraite des IEG : la Cnieg. Elle est chargée de la gestion des assurances retraite, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles des personnels de la branche professionnelle des IEG (158 entreprises en 2015).

La seconde conséquence est l’adoption du principe de l’ »adossement » du régime de retraite des agents des IEG sur la Caisse nationale d’assurance vieillesse et des caisses de retraite complémentaire de l’Agirc et l’Arrco.

Un débat biaisé

Comme le note la Cour des comptes dans un rapport datant de juin 2019 : « Celui-ci prévoit que la Cnieg verse à la Cnav et à l’Agirc-Arrco des cotisations équivalentes à celles que ces organismes percevraient si les personnes affiliées à la Cnieg l’étaient à la Cnav et à l’Agirc-Arrco. »

Rappelons que si l’on impose aux IEG cette situation, personne ne relève que cette question est bien plus générale et que c’est l’ensemble de l’édifice qui a besoin de ressources supplémentaires. Une augmentation de 0,2 % des cotisations sociales (patronales et salariales) permettrait de faire de cette question un non-sujet avec un équilibre pérenne.

Le Medef étant vent debout contre toute augmentation des cotisations sociales, le débat est définitivement biaisé, remettant en cause les principes fondateurs de la Sécurité sociale. Les gouvernements successifs, qui manquent de courage, se tournent vers des solutions palliatives et réformistes. Cependant, rappelle la Cour des comptes, « la démographie du régime des IEG étant plus défavorable que celle des régimes de salariés du secteur privé, une compensation est intervenue sous la forme du versement d’une ‘soulte’ de façon à ne pas dégrader la situation de ces régimes », soit 7,6 milliards d’euros.

La Cour des comptes souligne que « la contribution publique prend la forme d’une taxe affectée mise en place en 2005 au moment de l’adossement, la contribution tarifaire d’acheminement (CTA). Elle finance les droits passés relatifs aux activités régulées (transport et distribution) acquis par les salariés préalablement à l’opération d’adossement ». Mais note que cette contribution est appelée à fortement diminuer, « de près d’un tiers d’ici à 2025 ». Au total, selon la Cnieg, sur la pension d’un agent retraité, 60 % procède du régime général et 18 % du régime spécial des IEG.

En 2018, le régime des IEG comptait 137 916 cotisants et 136 191 pensionnés, auxquels venaient s’ajouter 39 676 veuves ou veufs percevant une pension de réversion, dont l’âge moyen était de 80 ans. Toutefois, sous l’effet des réformes successives allongeant la durée de cotisation, en 2018 l’âge moyen des 4 200 départs en retraite s’établissait à 58,9 ans.

Le dossier des retraites, comme celui de l’assurance maladie, est un faux débat. Il serait plus approprié de parler de manque de ressources car, en effet, c’est bien cette question qui est posée. Notre salaire différé, composé de nos cotisations, elles-mêmes issues de l’entreprise et de nos salaires, est le seul rempart contre l’idéologie libérale pour une véritable solidarité.

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