« Derrière la question écologique, la possibilité de transformer la société »

Hervé Kempf © Philippe Matsas Opale Leemage

Hervé Kempf © Philippe Matsas Opale Leemage

« Le capitalisme est passé au stade mortifère », nous dit le journaliste Hervé Kempf, auteur de Pour sauver la planète, sortez du capitalisme (1) (Seuil). Il propose une société basée sur la baisse de la consommation et un changement des comportements collectifs.

Dans votre ouvrage, vous appelez à sortir du capitalisme « sauvage et mortifère » mais pas de l’économie de marché.Expliquez-vous.
En soi, l’économie de marché n’est pas forcément mauvaise. Mais elle n’a pas vocation à recouvrir l’ensemble des rapports sociaux, ni économiques. C’est dans ce sens-là que l’on peut faire la distinction entre capitalisme et économie de marché. Le capitalisme, c’est, entre autres, une économie de marché poussée à son extrême. Il peut exister une économie de marché où les biens communs ne sont pas gérés comme marchandises. Par exemple, on peut considérer que l’Éducation doit relever de la gestion collective et publique. Le point de vue capitaliste voudrait que l’Éducation soit privée. Dans les pays les plus capitalistes, comme les États-Unis, la part de l’enseignement public est très restreinte parce qu’il y a une volonté de le privatiser au maximum.

Face à la crise écologique, le capitalisme propose une réponse technologique. Vous, vous préconisez de réduire notre consommation.
Le moteur de la crise écologique est l’abus de la consommation matérielle par nos sociétés. Donc la baisse de la consommation matérielle est nécessaire pour résoudre cette crise, qui est le problème essentiel de l’époque. Mais le défi est directement lié à la répartition des richesses. Depuis 1980, les pays occidentaux connaissent une augmentation des inégalités. Une petite part de la population s’approprie une part croissante des richesses collectives. Aller vers la baisse globale de la consommation matérielle passe par une réduction des inégalités. Pourquoi ? Afin que ce changement d’habitudes soit porté collectivement et sans que la majorité de la population, les classes moyennes pour faire simple, ait le sentiment de faire l’effort alors qu’au sommet de la pyramide sociale des gens y échapperaient en gardant des revenus très élevés. Par ailleurs, la baisse de la consommation matérielle ne concerne pas tout le monde : 15% à 30% de nos concitoyens sont dans une situation de grande précarité et il ne s’agit pas pour eux de diminuer leur consommation.

Selon vous, le règlement de la crise écologique passe par la redistribution des revenus. Qu’entendez-vous par là ?
La crise écologique est l’effet d’une consommation matérielle trop importante. Nous consommons trop de matières, trop d’énergie, trop d’eau, trop de terre et nous rejetons trop de déchets et de gaz à effet de serre. Régler la crise écologique implique donc de réduire la consommation matérielle globale. Cette baisse de la consommation ne pourra être acceptée par la collectivité, et notamment par les classes moyennes, qu’à la condition qu’elle s’opère dans la justice. Depuis une trentaine d’années, il y a eu une forte augmentation des inégalités au sein des pays riches. Entre 5 à 10 % du PIB annuel sont passés des revenus du travail vers les revenus du capital. Il faut reprendre cette captation indue de richesses et la redistribuer. Pourquoi faire ? D’une part, afin de permettre aux personnes dans la pauvreté ou la précarité – de 15 à 30 % de la population – de sortir la tête de l’eau. Ensuite, de faire accepter aux classes moyennes la baisse globale de la consommation, parce qu’elles verront que les efforts sont partagés et que les très riches sont mis à forte contribution. Enfin, cette somme permettra de réorienter nos activités vers une économie plus écologique et plus créatrice d’emplois. Par exemple, dans une agriculture relocalisée et biologique, dans les économies d’énergie, dans un nouvel urbanisme et des transports moins motorisés.

Vous dites également qu’il ne faut pas produire plus, mais mieux répartir le travail car la réduction du temps de travail est indissociable de l’écologie sociale…
Nous pouvons produire moins. Et nous avons besoin d’améliorer et de développer l’éducation, la culture et la santé. En vérité, nous pouvons consommer moins et mieux répartir. Y compris le travail. En ce moment, le capitalisme exerce une forte réduction de la quantité de travail. Comment ? Par le chômage de masse. Nous aurions au contraire tout intérêt à répartir le travail entre tous en réduisant le chômage.

Pour vous, la COP 21 ne doit pas être seulement une réunion d’États mais également l’émergence d’un mouvement populaire…
L’enjeu crucial est de savoir si la société civile va s’organiser pour former un mouvement durable sur le climat. Il s’agit de faire passer l’idée que, derrière la question climatique et plus largement écologique, il y a la possibilité de transformer en profondeur, et pour le mieux, la société. Cette transformation ne peut pas être laissée aux gouvernements qui défendent actuellement les intérêts de l’oligarchie.

(1) Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, 2009, Éditions du Seuil. Hervé Kempf est rédacteur en chef de du site reporterre.net le quotidien de l’écologie.

1 Commentaire
  1. Freychet Jack 8 ans Il y a

    En France en matière de santé il n’y a d’autre choix que de se soigner moins ou payer plus pour ceux qui le peuvent encore, il suffit du vécu ou de quelques clic pour s’en persuader. Les agents des industries électriques et gazières subissent eux aussi les conséquences du déremboursement progressif des soins.

    Dans le domaine de l’alimentation,pour les défavorisés, l’alternative c’est la mal bouffe , en matière de logement c’est la réduction de la superficie de l’habitat, puis le squat et la rue sans oublier les jeunes qui restent chez leurs parents jusqu’à trente ans ou plus. En Asie, en Afrique c’est encore pire.

    Que les bourges, bien nourris, bien au chaud, qui peuvent se payer une protection sociale de haut niveau, qui gaspillent, incitent les autres à accepter des sacrifices supplémentaires, car c’est de cela dont il s’agit est une honte.

    La planète n’est pas en danger, toute la propagande relayée par le journal de la ccas , est une escroquerie, en particulier lorsque citant maxime Combes elle laisse écrire sur son Journal de novembre décembre « cela fait 25 ans que l’on négocie sur le climat et durant cette période les gaz à effet de serre ont augmenté de 60 % »

    Certes Ils ont augmenté, mais les climatologues sérieux rétorquent que pendant ce temps là la température mesurée, au sol par ballons sondes et par satellites a stagné et que la planète a reverdi, y compris au Sahel, du fait de l’augmentation du taux de gaz carbonique.

    Alors que que ceux qui gaspillent arrêtent de la faire, rapprochons habitat et centres de production, raccourcissons les circuits de transport et de distribution isolons les constructions pour économiser l’Energie, opposons nous aux grands marchés transatlantiques dans le cadre de la concurrence dite libre et non faussé, le reste c’est de l’enfumage et non pas de l’information objective.

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