Pont-de-Claix : être un instant à l’abri

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Tous les ans, des réfugiés politiques et des demandeurs d’asile sont accueillis dans le centre de vacances CCAS de Pont-de-Claix (Isère), dans le cadre du plan grand froid. ©E.Raz/CCAS

Cette année encore, dans le cadre du plan grand froid, une vingtaine de familles en majorité demandeurs d’asile bénéficient d’un abri, d’une aide psychologique, administrative et humaine sur le centre de vacances CCAS de Pont-de-Claix (Isère). Une démarche solidaire qui essaime aussi à sa manière jusqu’en Savoie, où la CMCAS a agi dans le même sens.

Louer les vertus de la solidarité semble être une évidence. Pourtant indéniablement liée à la détresse et à la souffrance de femmes et d’hommes, elle met aussi en exergue les carences des politiques. Loin d’ouvrir un débat (peut-être inutile), force est de constater que si cette « misère » perdure, elle pose question. Situation inextricable ou comportement insidieux des instances dirigeantes, la parole est libre. Mais la réalité est là. Sans les bonnes volontés de quelques-uns, pour ces gens, souvent errants et involontairement « nomades », ce serait le néant !

Alors, à Pont-de-Claix (Isère), sur le centre de vacances CCAS, depuis quatre ans maintenant, grâce à une convention signée entre la préfecture de l’Isère, la CCAS, la CMCAS Dauphiné Pays de Rhône et l’Arepi (Association régionale pour l’insertion), ces personnes, des Kosovars, des Serbes, des Camerounais, des Algériens… en grande difficulté goûtent provisoirement aux joies de la sédentarité. Tout un paradoxe quand les nantis, souvent médisants, s’évadent provisoirement, et sans vergogne, vers le pays qu’eux ont fui… et ce, en jouant les nomades.

« Le but, c’est de leur redonner du bien-être, de la considération et une estime de soi. »

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Avec son mari Kaddour et leurs enfants de 8 et 10 ans, Taha Abdelmouiz et Nourelimen, Souhila Dellaa dort dans la rue. Originaire d’Algérie, la famille Dellaa loge pour l’hiver dans un mobil-home. ©E.Raz/CCAS

Accueillis dans le cadre du plan grand froid (1er novembre au 31 mars), ces « abîmés de la vie », ou victimes de la société, peuvent ainsi jouir d’un toit, d’une écoute et de tout un travail d’accompagnement pour les aider à se reconstruire et se construire (pourquoi pas ?) un avenir. Un impératif pour Aurélie Mignot, coordinatrice pour l’association Arepi : « C’est une vraie pause dans leur parcours de vie souvent chaotique… Et tout se passe bien. On fait des activités et on les aide dans leurs démarches administratives. Et bien sûr on emmène les enfants à l’école. Aussi le cadre du centre favorise grandement notre travail. » Un point de vue partagé par Karine, aide médico-psychologique. Observer, échanger sur leur quotidien, « tout en gardant ses distances », son travail consiste à « mieux cerner leurs problèmes. Le but, c’est de leur redonner du bien-être, de la considération et une estime de soi ».

« Ici mes enfants ont un abri et c’est l’essentiel. »

Alors, durant ces quatre mois, c’est un sentiment de paix et de communion qui rythme le quotidien de chacun. Dans la sérénité, certes précaire, mais aussi dans la joie et le partage. Pour Rabia, éducatrice, « le site est un atout indéniable. Au sein de la nature, avec ce mélange entre l’intimité qu’ils retrouvent au sein de leur gîte et le côté collectif dans la salle de réunion et la cuisine ». Et justement les odeurs émanant des fourneaux ont, ce matin de février, des parfums d’épices. Et la curiosité guide tout naturellement les pas… Là, à la baguette, Gestaline, accompagnée de sa fille Gestaliane, originaire du Congo Kinshasa, a le sourire malgré la peur de l’échéance… Entre « deux tours de cuillères », elle se livre. Arrivée en France en juillet dernier, demandeuse d’asile, elle redoute surtout le 31 mars. « Avant j’étais dans un foyer, mais c’était dur ! Ici, c’est calme, on est tranquille, à l’aise. Ça nous permet de souffler. Et puis on est un peu chez nous ! »

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Karine, aide médico-psychologique de l’association Arepi L’étape, en compagnie de Souhila et de sa fille Nourelimen : « Le but, c’est de leur redonner du bien-être, de la considération et une estime de soi. » ©E.Raz/CCAS

Une déclaration qui a le mérite de faire sourire Souhila. Le provisoire et l’inconnu, avec son mari Kaddour et leurs deux enfants, Nourelimen et Taha Abdelmouiz, elle aussi les a vécus. Algérienne d’origine, elle est en France depuis un an et demi. Après une sombre histoire familiale, au bout de six mois, c’est brutalement la rue, le 115 et Pont-de-Claix ! « Ici mes enfants ont un abri et c’est l’essentiel. Ils vont à l’école et s’y plaisent. » Sans aucuns revenus financiers, mais sans amertume non plus, la « reine du tajine zitoun » (tajine aux olives) a trouvé sa voie, ses occupations dans ce village « où les gens nous ont très bien acceptés. Je participe à des ateliers de couture, de cuisine et je prends des cours de français trois fois par semaine pour mes enfants ! »

Et si actuellement, la vie, pour la famille Dellaa, se résume aux Restos du cœur pour se nourrir et à l’aide du Secours populaire pour se vêtir… l’espoir du sésame est toutefois bien présent : « J’aimerais au moins avoir la carte de séjour pour passer le permis et travailler un peu. En attendant, je profite de ces moments de tranquillité, et surtout d’aller chercher mes enfants à l’école. C’est très important ! » Une leçon d’humilité. A sans doute méditer.

Trois questions à Patrick Reboullet, président de la CMCAS Dauphiné Pays de Rhône

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Comment se passe concrètement cet accueil ?
Tout d’abord, il faut souligner que l’on ne met à disposition que les deux tiers des logements. Le reste est conservé pour les activités des bénéficiaires. Le centre leur demeure donc accessible. D’ailleurs, il y a pas mal de monde qui y séjourne pendant cette période.

Et la « cohabitation » se passe bien ?
En amont, nous communiquons dans notre journal pour les informer de l’initiative. Et puis, au fil des ans, c’est devenu une habitude. Puisque même la municipalité joue le jeu… et est quelque part, de par les activités qu’elle propose aux personnes accueillies, partie prenante du dispositif. Donc aucun bénéficiaire n’est surpris ni hostile. De plus, lorsqu’ils viennent sur le centre, il y a un respect mutuel au niveau de l’intimité et de la vie de chacun.

Mais ils se côtoient quand même ?
Oui. Et c’est aussi une volonté de notre part. Cette année nous avons organisé l’arbre de Noël de la SLVie dans le centre. Nous avons invité tous les enfants présents sur le site à assister au spectacle. Et, spontanément, certaines familles de bénéficiaires sont même arrivées avec des cadeaux et des jouets pour les petits « réfugiés ».

En Savoie aussi, on s’active !

L’initiative est partie d’une révolte, d’un « dégoût »… Lorsqu’un matin d’hiver, à la radio, Michel Rimboud, président de la CMCAS Pays de Savoie, apprend qu’un SDF est mort de froid dans la rue, l’info a (beaucoup) de mal à passer. Alors, la réaction au sein de la CMCAS ne tarde pas.

« En amont, nous avions fait voter, lors d’une assemblée générale, une action envers l’accueil des réfugiés. Mais finalement, cela n’a pas été possible car nos colos étaient occupées. Alors nous avons décidé de mettre en place un dispositif pour les sans-abri dans le cadre du plan grand froid. » Et voilà comment, au cours du mois de janvier, pendant quinze jours, une vingtaine de personnes seront accueillies tous les midis, du lundi au vendredi, au restaurant méridien d’Annecy. Pour un repas chaud. Une halte…

Pont-de-Claix : être un instant à l’abri | Journal des Activités Sociales de l'énergie | michel rimboud« Aujourd’hui, on les accueille tous les lundis à la bibliothèque, on les met ainsi en relation avec l’association afin qu’ils effectuent la distribution de vêtements suite à leurs maraudes. Et tous les vendredis, on leur offre de nouveau un repas chaud. Je tiens à souligner que, même si ce sont des bénévoles de la CMCAS qui s’occupent de la logistique, j’ai quand même sollicité les directions et notamment le directeur d’Enedis qui a non seulement approuvé la démarche mais a aussi fait preuve d’une grande réactivité. En achetant 50 polaires afin de les offrir aux plus démunis. De plus, tout comme la direction UP (unité de production) Alpes, ils nous ont demandé de leur faire suivre le décompte des prix des repas, le compte rendu financier et moral afin d’évaluer leur participation financière. »

Près de 30 repas par jour ont déjà été servis. En synergie avec l’association « Unis-vers-tous » et le comité des électriciens et gaziers 74 du Secours populaire, la démarche se poursuit jusqu’au 17 mars.

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