Julien Lauprêtre : « Les vacances, c’est pas du luxe ! »

Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français. © C.Crié/ccas

Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français. © C.Crié/ccas

1936-2016, nous fêtons cette année les 80 ans des congés payés. Cependant, un Français sur deux, et un enfant sur trois, ne part pas en vacances de tout l’été. Rencontre avec Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français (SPF), qui a fait de l’accès aux vacances l’un de ses principaux axes d’intervention de ses interventions.

Voilà plus de cinquante ans que vous présidez le Secours populaire français. Qu’est-ce qui vous donne la force de poursuivre ce combat ?
Sans doute l’expérience de la Résistance. En 1943, la police française, je tiens à le préciser, est venue nous arrêter, moi et mon père, cheminot communiste. Mon père a été plus malin : il a réussi à s’échapper. Mais j’ai été arrêté et emprisonné. J’avais 17 ans. A la prison de la Santé, j’ai connu Missak Manouchian, le dirigeant du groupe de résistants que les nazis ont calomnié dans leur célèbre affiche rouge. Manouchian m’a dit : « Moi, je suis foutu, je vais être fusillé, mais toi il faut que tu fasses quelque chose d’utile et que tu rendes la société moins injuste… » C’est de là qu’est né mon engagement social, qui m’a conduit à devenir président du Secours populaire français en 1958.

Pourquoi avez-vous fait du droit aux vacances un des axes forts d’intervention du Secours populaire ?
Je vais vous raconter une anecdote. En 1936, mon père m’avait envoyé pour l’été à un séjour proposé par le Secours ouvrier international à La Rochelle. C’est la première fois que j’ai vu la mer, et c’était merveilleux. Je m’en souviens chaque fois que le Secours populaire français organise sa journée des oubliés des vacances, dans la seconde quinzaine d’août, et que je vois les yeux émerveillés des enfants découvrant la mer. Et puis, durant ce séjour, j’ai rencontré des enfants italiens ou allemands, issus de familles de gauche alors que le fascisme régnait dans leur pays. Et aussi ma future femme, que j’ai épousée en 1947 !

Le Secours populaire conserve-t-il aujourd’hui cette dimension internationaliste qui a tant marqué votre vie ?
Oui, à travers notre action « Copain du monde ». Il s’agit d’organiser des séjours de vacances entre enfants du monde entier. Des petits Israéliens peuvent côtoyer de petits Palestiniens, des petits Sahraouis de petits Marocains, et c’est formidable. Ils apprennent à s’aimer plutôt qu’à se détester. Plus de 25 villages copains du monde, avec des enfants venant de 50 pays, auront lieu cet été. Et pour la première fois, de jeunes Américains y participeront. Il y a eu bien des débats au sein de l’association avant de décider de les accueillir. Certains oublient que les Etats-Unis sont aussi un pays dans lequel des enfants dorment dans la rue ou ne mangent pas à leur faim. Ce sont ces enfants que nous accueillerons en France cet été dans un village de Normandie. Cela leur permettra d’aller voir les plages du débarquement, où ont peut-être péri leurs grands-parents, mais aussi de rencontrer les jeunes Français de notre action « la Journée des oubliés des vacances», qui existe depuis plus de trente ans.

Lire aussi : Les vacances un droit fondamental, sur la rencontre organisée par la Fédération du Secours Populaire au centre de vacances du Cap d’Agde le 21 mai dernier

Quel sens a cette initiative, qui ne dure qu’une journée ?
Un sens immense. Pour un enfant, c’est la possibilité d’avoir quelque chose à raconter le jour de la rentrée des classes. Les instituteurs et institutrices nous le disent : un enfant réalise une bien meilleure année scolaire s’il a pris durant l’été ne serait-ce qu’une journée de vacances. Cela fait plus de soixante-dix ans que nous organisons des séjours pour les jeunes, et nous avons acquis la profonde conviction qu’ils sont indispensables. Depuis 1944 et la première campagne de vacances pour les enfants de déportés et fusillés mise en place par l’avocat et ancien résistant Pierre Kaldor, le Secours populaire organise des séjours permettant de faire valoir ce droit aux vacances. Pour les enfants, mais aussi pour les personnes âgées, autour de visites de monuments et de sites historiques. Et toujours dans l’idée d’autonomie, d’organisation par les bénéficiaires eux-mêmes de leur séjour, idée à laquelle nous tenons beaucoup.

Quelles relations le Secours populaire français a-t-il tissé avec la CCAS ?
Ce n’est pas par hasard que la première projection publique du film « 1936-2016, c’est pas du luxe, c’est un droit », que nous avons produit pour les 80 ans des congés payés, a lieu dans un centre de vacances de la CCAS. Un très long et très ancien partenariat unit le Secours populaire et la CCAS. Nous avons les mêmes valeurs : l’importance du droit aux vacances, la solidarité, le partage. C’est au nom de ces valeurs que nous accompagnons ceux qui s’adressent à nous. « Pauvres mais pas que » dit-on souvent au Secours populaire pour signifier que les plus pauvres peuvent s’approprier leur destin. Ce sont là des valeurs et des convictions que nous avons en commun avec la CCAS.

Un partenariat nourri des mêmes valeurs

Le partenariat entre la CCAS et le Secours populaire français (SPF) est aussi ancien que nourri. Une convention entre la CMCAS Languedoc et le SPF permet chaque année l’accueil de quatre enfants du SPF et la prise en charge de séniors accompagnés par l’organisation sur le centre de vacances du cap d’Agde.

Autre initiative de ce partenariat, l’accueil à Ceillhes (Hérault) durant l’été 2016 en un séjour « Village Copains du Monde » de 18 jeunes, issus tant des bénéficiaires des Activités Sociales de l’énergie que des quartiers populaires ou des réfugiés. Ce partenariat permet des invitations à diverses initiatives culturelles et sportives, ainsi qu’aux arbres de Noël. Il offre enfin la possibilité à des bénéficiaires du Languedoc de choisir de faire don du livre offert par la CMCAS à des enfants du Secours populaire.

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