Projet Hercule : « La saison 2 est au programme du président »

Projet Hercule : "La saison 2 est au programme du président" | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 22073 Philippe Page Le Mérour

Philippe Page Le Mérour (CGT) lors de la manifestation organisée le jour de l’Assemblée générale des actionnaires du groupe EDF à Paris (Salle Pleyel). ©Bertrand de Camaret/CCAS

Philippe Page Le Mérour, secrétaire du Comité social et économique central (CSEC) d’EDF SA, réagit à l’annonce de l’arrêt du projet Hercule, décidé par le gouvernement durant l’été. Entretien.

Le gouvernement a fait savoir le 22 juillet dernier qu’il repoussait après l’élection présidentielle l’examen de la loi portant sur la réforme du service public de l’électricité. Un projet annoncé il y a plus de deux ans maintenant, baptisé, ces derniers mois, « Grand EDF », mais plus connu sous le nom d’ »Hercule ». Comment réagissez-vous à cette annonce ?

C’est une grande satisfaction. Ce projet entraînait mécaniquement le délitement du service public de l’électricité et une privatisation à plusieurs étages qui se voulait sans précédent. On voyait bien depuis quelques mois que ce projet, de vaste ampleur, conduit en catimini entre le gouvernement et les instances européennes, s’enlisait. Le gouvernement prétexte aujourd’hui l’impasse dans laquelle les discussions avec la Commission européenne auraient abouti. C’est surtout un élément de langage.

Nous savons que c’est évidemment la mobilisation inédite des salariés contre Hercule, accompagnée et alimentée par le travail d’explication des fédérations syndicales unies, celle des parlementaires de l’opposition, des citoyens, des collectivités territoriales, qui ont fait la différence. Mais on a bien compris que si la « saison 1 d’Hercule » s’achève, la « saison 2 » est au programme d’un président candidat à sa future réélection. Il s’agit donc de ne surtout pas éteindre la mobilisation.

Dans cette bataille, vous soulignez l’importance de l’opposition des collectivités territoriales à « Hercule », pourquoi ?

Moins médiatisée que celle de l’inter syndicale des salariés et des parlementaires, l’irruption dans ce dossier des collectivités territoriales a été un sacré caillou dans la sandale d’Hercule. Le plan « Macron-Lévy » prévoyait l’ouverture du capital d’Enedis. Mais Enedis n’a pas d’actifs. Le patrimoine de la distribution de l’électricité appartient aux collectivités territoriales ! Or, elles refusent d’être « les otages de la stratégie financière d’EDF”, comme le dénonçait au mois de janvier la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Elles n’ont aucune envie de se retrouver face à des acteurs privés, et de devoir gérer, comme elles le craignent, à la fois des risques de hausses de prix, de baisse des investissements sur le réseau et la remise en cause de la péréquation tarifaire sur l’ensemble du territoire national, outre-mer compris. D’ailleurs, plus de mille élus locaux ont rejoint la plateforme mise en place par les CSE Centraux d’EDF SA et d’Enedis pour y exprimer leur refus et leur solidarité avec les agents mobilisés.

Projet Hercule : "La saison 2 est au programme du président" | Journal des Activités Sociales de l'énergie | 103840 Manifestation intersyndicale pour les 75 ans du statut des IEG.

La forte mobilisation des agents, notamment lors de la manifestation intersyndicale pour les 75 ans de la nationalisation des IEG à Nantes, en mai dernier, aura contribué à faire reculer le gouvernement sur le projet Hercule. ©Charles Crié/CCAS

Depuis deux ans et demi, les fédérations syndicales n’ont eu de cesse que de dénoncer l’opacité dans laquelle les tractations autour d’Hercule se déroulaient, alimentant un véritable feuilleton dont les salariés découvraient les épisodes au fil des semaines, et ce jusque dans la crise sanitaire dont ils sont des acteurs de première ligne. Cette période laissera-t-elle des traces dans l’entreprise ?

Oui, je le crois. Le corps social du groupe EDF, dans toutes ses composantes, l’entreprise elle-même, son histoire, ses valeurs, son ADN de service public, ont été malmenés et… malmenés. Le management de l’entreprise a été mobilisé pour tresser les louanges de ce projet auprès des salariés mis devant le fait accompli. Un plan de restructuration énorme aux conséquences sociales incalculables qui, en fin de compte, est mis au rencard parce qu’il n’a convaincu personne : c’est grave. Des secteurs entiers de l’entreprise à qui on disait qu’on ne savait pas s’ils seraient dans le « Bleu » ou dans le « Vert », qu’on verrait bien ce qu’on ferait d’eux le moment venu, ont été déconsidérés. J’affirme, c’est mon sentiment profond, qu’il y a eu de la malveillance sociale dans cette affaire. Il faut désormais tourner cette triste page et fixer un nouveau cap à EDF. Du neuf, c’est l’urgence !

Cependant, rien des contentieux avec la Commission européenne n’est réglé, à savoir le prix de vente de la production à la concurrence, l’Arenh, et celle du sort des concessions hydrauliques. L’énergie est au cœur du débat sur les mesures à adopter face au réchauffement climatique. Les hausses de factures s’enchaînent. La question qui se pose c’est : où va-t-on ?

Ce jeu des contreparties, dont doit s’acquitter le service public, chaque fois qu’il planifie son avenir, au dogme de la concurrence dite libre et non faussée dans un marché de l’énergie dérégulé, doit cesser. C’est une impasse industrielle, financière et sociale, et dorénavant climatique, mortifère. Ces mécanos libéraux ont fait leur temps.

Pour l’heure, je pense que les salariés de l’énergie, leurs fédérations syndicales et avec eux tous les opposants à Hercule, sont dans une position très favorable, comme rarement ils l’ont été. Il serait peut-être temps d’écouter ce qu’ils ont à dire. Un travail interfédéral très conséquent a été accompli. Peu à peu, les explications autour de ce secteur complexe, des enjeux qu’il doit affronter, s’éclairent, si j’ose dire. Il n’y a pas une semaine, sans que dans la presse, des articles ne rendent compte de cela. Même les influenceurs de réseaux sociaux nous disent que l’énergie est devenue un thème « sexy ». Bon. En cette rentrée, les CSE centraux d’EDF et d’Enedis, réunis, vont poursuivre leurs actions et proposeront très prochainement des initiatives pour porter plus loin l’avantage que viennent de prendre l’ensemble des salariés sur l’avenir du service public du gaz et de l’électricité.



 

Tags:
0 Commentaires

Laisser une réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Votre commentaire est soumis à modération. En savoir plus

Qui sommes-nous ?    I    Nous contacter   I   Mentions Légales    I    Cookies    I    Données personnelles    I    CCAS ©2024

Vous connecter avec vos identifiants

Vous avez oublié vos informations ?