Calais : bilan d’une opération solidaire inédite et réussie

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Après avoir fui l’Afghanistan, Ehsanullah (à dr.) et Samiullah (au centre) ont trouvé refuge au Vieux-Marché, dans les Côtes-d’Armor, et sont marrainés par une élue locale. Ici en compagnie de Maude, infirmière et bénévole, en avril 2017. ©C.Crié/CCAS

Dans l’épilogue du drame de « La lande de Calais », c’est la mobilisation solidaire des Activités Sociales de l’énergie et de milliers de bénévoles qui aura, en fin de compte, eu le dernier mot.

À l’automne 2015, la CCAS avait accepté, à la demande de l’État, de participer à l’accueil de réfugiés dans ses centres de vacances. La plupart d’entre eux arrivaient d’Allemagne, et rejoignaient les centres transformés pour l’occasion en CAO (centre d’accueil et d’orientation).

Un an plus tard, cet accueil allait être très différent. Le fait est là. L’Europe fait face à la plus grande crise humanitaire qu’elle ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale. En 2016, après l’intensification des combats et des destructions en Syrie et au Soudan, de la dégradation de la sécurité en Afghanistan ou en Érythrée, on assiste à un afflux de réfugiés sur « la Lande » de Calais, immense camp situé aux abords du tunnel sous la Manche et de la zone portuaire de Calais. Abandonnées à elles-mêmes et aux réseaux de passeurs, survivant dans des conditions épouvantables, 6000 à 9000 personnes, selon les différents recensements – dont près d’un millier de jeunes mineurs, enfants et adolescents – échouent dans ce qui est devenu le plus grand bidonville d’Europe.



Si beaucoup de ces migrants veulent rejoindre l’Angleterre, ils sont également très nombreux – on s’en rendra compte plus tard – à finir leur route ici, faute de réelles informations, faute aussi d’avoir trouvé un accueil digne, et par crainte d’être renvoyés à leur point d’arrivée sur le continent, en Grèce ou en Italie, conformément au règlement dit « Dublin III ». À la rentrée, le gouvernement décide de mettre un terme à cette situation en organisant la répartition, plus ou moins volontaire, des réfugiés à travers tout le pays, dans des centres d’accueil et d’orientation.

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Partie de l’ancienne « Jungle » de Calais, maintenant démantelée (avril 2016). ©P.Marini/CCAS

Une mobilisation solidaire

C’est dans ce cadre que l’État sollicite la CCAS. Le 8 septembre 2016, par un vote unanime de tous les membres de son conseil d’administration, les Activités Sociales de l’énergie acceptent de mettre à disposition des centres de vacances et de séjours jeunes pour l’accueil de ces réfugiés venus de Calais, au nord de la France. Le 5 octobre, Michaël Fieschi, président de la CCAS, signe, avec les représentants du ministère de l’Intérieur et ceux du ministère du Logement, une convention d’accueil et d’encadrement au terme de laquelle 42 centres seront rendus disponibles. 24 seront effectivement utilisés. 9 d’entre eux, dédiés aux adultes et aux familles, deviendront des CAO pour une durée de cinq mois. Il s’agit de Trégastel, Trébeurden, Sainte-Marie, Luchon, Chinon, Les Mathes, Saint-Brevin-les-Pins, Trégunc et Tourves.

Les CAO sont de petites structures, de 30 à 40 personnes, qui fournissent aux réfugiés un hébergement, le secours alimentaire, les soins sanitaires, et leur permettent d’effectuer les premières démarches administratives relatives à leur demande d’asile. La plupart du temps, l’administration des cao est confiée par l’État à des associations de réinsertion, tels Coallia, Emmaüs ou France Horizon. Le taux d’encadrement dans les CAO est souvent minimal, parfois une personne pour trente réfugiés.

L’appui des CMCAS et l’engagement des personnels des Activités Sociales, de milliers de citoyens bénévoles, des associations, des municipalités autour de ces CAO vont s’avérer déterminants pour donner à cet accueil toute sa dimension humaine, assurer la découverte des droits et les démarches administratives, prodiguer les premiers pas dans l’apprentissage du français. L’accueil des réfugiés, ainsi que les réactions et les actes violents et indignes qu’il a suscités auprès de quelques groupes d’individus emmenés par l’extrême droite, ont, ici ou là, soulevés, au contraire des visées de leurs auteurs, une vague solidaire impressionnante.


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Janvier 2016 : les migrants accueillis à Saint-Brévin (Loire-Atlantique) se voient proposer différents ateliers de découverte. Patricia est bénévole et vient souvent leur rendre visite. À son tour de s’initier au djembé avec Alsamani. ©C.Crié/CCAS

Bienvenue en Absurdie…

Le 25 octobre, la CCAS décide de l’accueil des jeunes et des enfants « non accompagnés » évacués de Calais, et met à disposition 15 centres jeunes qui deviennent des CAOMI (centre d’accueil et d’orientation des mineurs). Dans 5 d’entre eux, les équipes d’animation de la CCAS prendront entièrement en charge l’encadrement de près de 200 jeunes et enfants.


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À ce jour, et après examen de leur situation par les autorités britanniques, 91 d’entre eux, reconnus mineurs, ont pu rejoindre le Royaume-Uni où des membres de leurs familles sont installés. Les autres ont été pris en charge soit par l’aide sociale à l’enfance, s’ils étaient reconnus mineurs, soit sont entrés, bien que très jeunes, dans le dispositif des Cada (centre d’accueil pour les demandeurs d’asile), hors de l’encadrement associatif et souvent loin des réseaux bénévoles qui les soutenaient. D’autres enfin – quelques dizaines –, faute de solution, ont quitté les CAOMI, pour tenter de rejoindre, par leurs propres moyens, leurs familles en Angleterre…

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Une trentaine de jeunes filles migrantes ont été accueillies au centre de vacances CCAS de Montgesoye, dans le Doubs. ©J.-L.Boiré/CCAS

Pour les adultes, la promesse, tenue au mois de mars, de « dédubliniser » les réfugiés de Calais présents en Cao a rencontré l’enthousiasme des réfugiés dont la plupart ont déposé une demande d’asile en France. La menace qui pesait sur nombre d’entre eux d’être expulsés vers leur point d’arrivée en Europe, ou dans l’un des pays européens qu’ils avaient traversé, au prétexte qu’ils y auraient signés, dans l’ignorance complète des règlements, une première demande d’asile, s’éloigne. Cependant, dans certains départements, cette promesse « tarde » à être mise en œuvre. Et des expulsions absurdes se poursuivent, alimentant l’errance dans la clandestinité subie, voire des retours vers Calais et ses environs. C’est le cas de nombreux réfugiés, adultes ou jeunes, qui, eux, essayent à leurs risques et périls de fuir l’Italie par la vallée de la Roya, près de Nice. La criminalisation des citoyens qui tentent de leur porter assistance dans ce dangereux périple a suscité un mouvement de protestation ces dernières semaines, notamment lors des procès intentés contre eux par les pouvoirs publics.



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Janvier 2016, Saint-Brévin. Deux tailleurs de pierre font découvrir leur métier aux migrants. ©C.Crié/CCAS

Les électriciens et gaziers au rendez-vous

Au total, durant les cinq mois écoulés, la CCAS a contribué à l’accueil de 1288 migrants provenant majoritairement de Calais. À elles seules, les CMCAS de Bretagne ont apporté un refuge à près de la moitié de ces enfants, femmes et hommes.



L’ensemble des frais engendrés par l’opération, qui a nécessité parfois l’engagement financier des Activités Sociales, fait l’objet d’un remboursement intégral de l’État. Cette opération a permis, en quelques semaines, de résoudre des situations d’hommes, de femmes et d’enfants jusque-là volontairement ignorées. Il aura fallu une forte mobilisation solidaire. Il aura également été nécessaire du côté des pouvoirs publics qu’un certain nombre de règlements mal adaptés soient améliorés, et que cesse le déni d’une tragédie. Que les salariés de l’énergie y aient contribué marquera nombre de ceux qui, de près ou de loin, ont participé à cette aventure humaine, comme elle marque, d’ores et déjà, l’histoire des Activités Sociales.

« Dans un univers passablement absurde, disait André Malraux, il y a quelque chose qui ne l’est pas, c’est ce que l’on peut faire pour les autres. »



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Repas du soir au centre de vacances CCAS de Trébeurden, dans les Côtes-d’Armor, en novembre 2016. ©C.Crié/CCAS

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